Le coup d’État du 2 décembre 1851, la naissance dans le sang du second Empire

Professeur émérite à l’université de Paris-Nanterre, François Démier est un grand spécialiste de la France du XIXe siècle et on lui doit de nombreux ouvrages de qualité, très utiles pour les étudiants de licence comme La France de la Restauration 18141830 (Gallimard, 2012) ou La France du XIXe siècle (Seuil, 2014). En cette année de commémoration de la mort de Napoléon III, François Démier propose un ouvrage réexaminant l’évènement fondateur du second Empire, Le coup d’État du 2 décembre 1851.

Une opération rondement menée ?

Que se passe-t-il donc le 2 décembre 1851 ? Comme l’assemblée refuse de modifier la constitution pour permettre à Louis-Napoléon Bonaparte de se représenter, ce dernier organise, avec l’aide précieuse de son demi-frère Morny, un coup d’état censé le débarrasser de… L’assemblée. Force est de dire que cela marche plutôt bien, malgré des protestations ici et là dans Paris, quelques barricades et la mort du député Baudin. En province, il y eut plus de grabuge, particulièrement dans le midi. Mais au final, le résultat du plébiscite « absout » le prince-président. Pourquoi une telle réussite ?

Une république très malade

La constitution de la IIe République ne prévoyait rien en cas de conflit entre le président et l’assemblée. La droite conservatrice, rassemblée autour de Thiers, nostalgique de la monarchie (mais laquelle ?) choisit de soutenir Louis-Napoléon, « un crétin qu’on mènera », largement élu grâce à la popularité de la légende napoléonienne. Le sous-estimer fut une grave erreur car non seulement il est intelligent mais il sait profiter des erreurs de la majorité. Et elle en commet beaucoup, par exemple en restreignant le suffrage universel pour couper court à la gauche démocrate-socialiste qui engrange les succès. Les possédants, depuis 1848 et les barricades de juin (plus encore que celles de février) ont peur du socialisme et du communisme. Le génie de Louis-Napoléon va être de se présenter à la fois comme une garantie d’ordre tout en gardant une image de réformateur. Bénéficiant d’une très bonne conjoncture économique, Louis-Napoléon va gagner son coup d’état mais perdre la postérité : il est à jamais un parjure, il a du sang sur les mains pour ses opposants (et lui-même se sent coupable). Et le souvenir du 2 décembre va hanter les républicains jusqu’à la naissance de la Ve république.

François Démier signe avec Le Coup d’État du 2 décembre 1851 une excellente synthèse.

Sylvain Bonnet

François Démier, Le Coup d’État du 2 décembre 1851, Perrin, 2023, 700 pages, 25 euros

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