Tragédie française, la nostalgie de Giesbert

Journaliste en poste successivement au Nouvel Obs, au Figaro et au Point, Franz-Olivier Giesbert s’est imposé depuis la fin des années soixante-dix comme un observateur féroce du personnel politique de la Ve République. Il a entrepris une histoire intime de la Ve République avec Le sursaut, puis La belle époque, mélangeant sa vie avec celle du régime fondé par de Gaulle pour sauver et maintenir la France.  Tragédie française, vient clore un peu tristement de son point de vue, ce cycle. Les portraits proposés sont acérés mais jamais injustes. François Mitterrand et Jacques Chirac, que Giesbert a très bien connus, voire aimés, constituent un des clous de l’ouvrage.

L’obsession de la dette

Reste que notre écrivain n’abandonne pas les obsessions de l’éditorialiste du Point. Giesbert ne laisse passer aucune occasion de dénoncer le choix de la dette par nos gouvernements successifs depuis 1981 (le choix de la date n’est pas innocent). S’il a raison lorsqu’il dénonce l’impéritie du programme économique des socialistes de l’époque, il oublie une chose : la dette n’est que le signe d’un déséquilibre économique (grave cependant surtout si la croissance est faible). Libéral, Giesbert fustige le poids de l’état et les politiques keynésiennes, oubliant que celles-ci ont sauvé le pays lors du Covid. Le vrai problème est que le déficit de l’état finance non l’investissement mais les dépenses courantes, autre sujet. Par contre, il apparaît aujourd’hui comme évident que les 35 heures instaurées en 1997 ont gravement handicapé l’économie française, il a raison de le souligner.

Un lent déclin

Force est aussi de constater que les quarante dernières années voient la France lentement décliner. Déclin économique mais aussi déclin éducatif : le niveau des élèves baisse, il n’y a qu’à voir la place de la France dans les classements PISA. Déclin politique aussi quand on voit le niveau de la classe politique actuelle, occupée à préserver ses places, sans compter le kidnapping de la gauche par LFI. Dégringolade identitaire aussi avec les effets d’une politique d’immigration devenue délirante et qui a réussi à faire monter le mouvement lepéniste, aujourd’hui aux portes du pouvoir. Sans compter l’insécurité et la montée de l’islamisme. Il y a tout ça dans Tragédie française de Giesbert qui raconte comment nous avons lentement glissé dans un cauchemar, en perdant au passage Aragon, Aznavour, Belmondo… A lire et recommandé aussi aux jeunes générations.

Sylvain Bonnet

Franz-Olivier Giesbert, Tragédie française, Gallimard Folio, juin 2025, 608 pages, 11,10 euros

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