Blum le Magnifique, par Frédéric Salat-Baroux (et Souvenirs sur l’Affaire, par Léon Blum)
The Candidate (en français, Votez McKay), film de Michael Ritchie un peu oublié aujourd’hui puisqu’il date d’un demi-siècle, nous invitait à suivre la campagne d’un homme politique débutant (Robert Redford) jusqu’à sa victoire… et se « concluait » sur la réplique « What do we do now? »

La biographie de Léon Blum proposée par Frédéric Salat-Baroux et intitulée Blum le Magnifique, originellement parue aux éditions de l’Observatoire, est un peu construite de la même manière. C’est, comme l’indique son sous-titre un tantinet maladroit par les temps qui courent – Du Juif « Belle Époque » au leader socialiste –, l’histoire de Blum avant Blum, autrement dit avant la période, courte certes, mais capitale, du Front populaire. Pour le lecteur non-prévenu, il y a quelque chose de frustrant dans ce découpage, mais Blum est surtout utilisé ici comme un prisme permettant de dessiner sous deux angles un portrait de la France de la Belle Époque jusqu’en 1936. Disons que l’ouvrage se compose en gros de deux grandes parties, la première sur l’Affaire Dreyfus, la seconde sur la Gauche française entre les deux guerres. La première, qui puise abondamment et judicieusement dans l’ouvrage publié par Blum en 1935 sous le titre Souvenirs sur l’Affaire, est une incitation à se replonger directement dans cette source et suscite deux remarques.

D’abord, quoi qu’on ait déjà pu lire sur la question, on est toujours surpris par les déchaînements hystériques d’antisémitisme qu’on trouve sous la plume de gens censés représenter l’élite intellectuelle de la France – le pompon étant certainement tenu par Charles Maurras affirmant que les « origines de Dreyfus » suffisent à constituer la preuve de sa culpabilité. Plus touchant, le trouble d’un Barrès : « Je me demande si je ne me suis pas mépris. Je me rends compte que chacune des attitudes, chacune des expressions de visage [de Dreyfus lors de sa dégradation] que j’interprétais comme le signe d’une scélératesse totale, parfaite, comportait aussi le sens inverse. » Mais Blum explique dans ses Souvenirs que cette remise en question de Barrès par soi-même marqua aussi la fin de leur amitié (les deux hommes ne se « retrouvèrent » – brièvement – qu’à l’occasion de la mort de Jaurès, laquelle fut d’ailleurs l’élément déclencheur de la vraie carrière politique de Blum). La seconde réflexion qui s’impose au lecteur d’aujourd’hui, en cet an de grâce 2025, est plutôt une interrogation. La recrudescence actuelle de l’antisémitisme peut être absolument désespérante et ne fait que confirmer les dernières phrases de La Peste dans lesquelles Camus nous rappelle que les germes du Mal jamais ne disparaissent, même s’ils restent tapis sous quelque vieux linge sale. Inversement, on pourra se dire que si la France a su surmonter une telle crise, elle sera capable d’en surmonter d’autres.
Et la même remarque (pessi-/opti-miste) peut tout aussi bien s’appliquer à la seconde partie de Blum le Magnifique, où Blum n’est qu’une figure parmi d’autres. Assez rébarbative d’ailleurs, cette seconde partie, mais pouvait-il en être autrement, puisqu’elle s’attache aux infinies rivalités, divisions, scissions de la Gauche française entre 1918 et 1936 ? Qu’on soit de gauche ou de droite, peu importe. Ce qui est, là encore, affligeant, c’est de voir, de tous les côtés, ce grand gâchis d’énergie. Bien entendu, toute ressemblance avec des individus ou des événements de notre époque présente ne saurait être que fortuite, puisque, comme chacun sait, l’Histoire ne se répète pas – elle bégaie.
FAL
Frédéric Salat-Baroux, Blum le Magnifique – Du Juif « Belle Époque » au leader socialiste, Alpha Histoire, janvier 2025, 280 pages, 9 euros.
Léon Blum, Souvenirs sur l’Affaire, Gallimard Folio Histoire n° 51. 8 euros.