Friedrich Dürrenmatt, La Promesse

Dramaturge suisse de notoriété internationale, Friedrich Dürrenmatt (1921-1990), est aussi essayiste et peintre. Le grand public le connaît par les adaptations cinématographiques de ses romans policiers, au premier rang desquels La Promesse, en tout point remarquable.

Un enquêteur hors normes

Cet homme qui attend sur le banc, devant la miteuse station essence, qui semble perdu dans sa folie intérieure, était le meilleur policier qui soit. Au point qu’il a été choisi pour représenter la police suisse à l’international, mais au moment d’embarquer il rebrousse chemin, parce qu’il a fait une promesse. On sait pourquoi les policiers ne doivent jamais le faire, et Matthias va être rongé à la fois par cet engagement irrationnel et par la certitude qu’il peut, lui, et pas un autre, arrêter l’assassin de la petite fille retrouvée égorgée dans les bois. Mais qu’attend-il à présent ? Et comment en est-il venu à cet état de délabrement physique et moral ? Et qui sont les deux femmes obscènes et repoussantes de saleté qu’il a pour seule compagnie, hors ses propres démons ?

Tout le roman conduit à cette image d’un homme détruit. Détruit par la promesse qu’il a fait et qu’il na pas encore pu tenir. Et détruit aussi par son intelligence. Car tout ce qu’il a mis en place, pour comprendre le meurtrier, l’identifier (au moins son portrait-robot) et l’appréhender signale son vrai génie d’enquêteur, ainsi que son abnégation totale. Mais le réel, sans lui donner tort, va le figer dans cette position d’attente.

un grand roman

Le récit est mené par l’ancien chef de Matthias, qui rencontre un soir un auteur venu faire une conférence sur l’écriture de romans policiers, auquel il va montrer que le réel est plus fort que l’imagination. C’est comme un long monologue où l’on sent le besoin de s’épancher, pour comprendre, mais aussi pour admirer. Car cet homme qu’on prendrait volontiers pour un attardé figé dans la crasse la plus laide est sans doute le plus beau des hommes, du moins si l’on met le sacrifice individuel au-dessus de toute autre valeur.

La Promesse déborde très largement les cadres du roman noir, par l’analyse psychologique, par le personnage de Matthias en lui-même, et par la qualité d’une écriture que rien ne corrompt. Il y a une lenteur, une pesanteur absolument remarquable. La Promesse est un très grand roman.

Loïc Di Stefano

Friedrich Dürrenmatt, La Promesse, traduit de l’Allemand par Alexandre Pateau, Gallmeister, octobre 2023, « Totem », 183 pages, 8,90 euros

De toutes les adaptation de La Promesse, seule The Pledge avec Jack Nicholson est fidèle à l’esprit du roman.

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