Géopolitique de la Russie, à la recherche de la puissance

Directeur de recherches à L’IRIS (institut des relations internationales et stratégiques), Lukas Aubin est un chercheur peu connu du grand public. Spécialiste de la Russie, il a écrit notamment un ouvrage montrant la façon dont Vladimir Poutine instrumentalisait le sport, La Sportokratura sous Vladimir Poutine, une géopolitique du sport russe (Bréal, 2021). On peut dire que la parution de sa Géopolitique de la Russie aux éditions de La Découverte, alors que la guerre fait rage en Ukraine, suscite un certain intérêt…

Une puissance eurasiatique

On peut déduire la Russie de sa géographie. À cheval entre l’Europe et l’Asie, la Russie est un pays continent qui joue un rôle de pivot. Ce fut aussi un empire, d’abord celui des tsars puis de l’URSS, abritant un grand nombre de minorités ethniques et religieuses : le pays compte une importante population musulmane. Après avoir connu l’effondrement des années 90, particulièrement du point de vue économique, le pays s’est relevé dans les années 2000 grâce à la montée des prix du pétrole.

Une « puissance pauvre »

Et c’est là que le bât blesse. L’économie russe est une économie de rente, exportatrice de matières premières (pétrole, gaz, cobalt, métaux rares et même les céréales). Malgré ses efforts, Poutine n’a pas réellement réussi à relever l’industrie (à part pour l’armement). Les sanctions occidentales le poussent à accroître ses relations économiques avec la Chine, 2e puissance mondiale mais la relation risque vite de devenir asymétrique, au détriment de Moscou. Acteur régional de premier plan, arbitre dans le conflit du Haut-Karabagh ou acteur militaire en Géorgie, la Russie pèse pourtant peu en Asie. Poutine dispose bien d’une armée de hackers qui perturbent les réseaux sociaux ou certaines administrations occidentales. Mais il ne dispose plus des moyens de l’URSS pour imposer sa volonté : même dans le domaine spatial, faute d’investissements, la Russie va être dépassée par la Chine. L’intervention en Ukraine, faute géostratégique dû à une erreur de jugement (mais relevant d’une idéologie slavophile), accentue son isolement. Les prochaines années seront décisives. Excellent essai.

Sylvain Bonnet

Lukas Aubin, Géopolitique de la Russie, La Découverte collection « repères », septembre 2022, 180 pages, 16 euros

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