Le général Gouraud, une figure oubliée

Le voile de l’oubli a peu à peu recouvert la figure du général Gouraud, à la fois « colonial » et vainqueur de Ludendorff en juillet 1918, extrêmement populaire durant les années trente (pourquoi ne fut-il pas nommé maréchal ?). Julie d’Andurain, professeur en histoire contemporaine à l’université de Lorraine, spécialiste des questions coloniales, lui consacre ici une biographie fouillée et très précise.

L’aventure coloniale

Saint-Cyrien, Gouraud, issu de la moyenne bourgeoisie, comprend dans sa jeunesse que, s’il veut faire la carrière dont il rêve, il doit, la paix régnant en Europe, faire le choix des colonies. Il part donc pour l’Afrique, d’abord au Soudan où il fait ses premières armes et apprend comment faire la guerre là-bas. On le retrouve au Tchad et en Mauritanie, capture le chef Samory (ce qui le rend célèbre), a des promotions. Protégé par le parti colonial à Paris, Gouraud choisit d’être affecté au Maroc aux côtés de Lyautey avec qui il entretient des rapports de profonde estime. Gouraud est un de ceux qui installe le protectorat français, vainquant les tribus. Mais la guerre contre l’Allemagne éclate en 1914.

Un héros de guerre

Enfant de la Revanche, patriote, Gouraud demande à revenir se battre en métropole, même si bon nombre d’officiers y méprisent les « coloniaux ». Il est positionné en Argonne avant d’être envoyé en Orient dans le cadre de l’expédition des Dardanelles. Il y gagne l’estime des Britanniques et de ses soldats mais y perd un bras… Gouraud met du temps à se remettre mais reprend du service. Il remplace même brièvement Lyautey comme résident au Maroc lors du passage de ce dernier au ministère de la guerre. Puis il retourne sur le front pour commander une armée et bat Ludendorff en juillet 1918, en partie grâce aux renseignements collectés par un commando français où on retrouve un certain Joseph Darnand, futur chef de la Milice mais à l’époque véritable héros de guerre.

L’icône

C’est un moment de gloire pour Gouraud qui entre dans Strasbourg. Sa silhouette, ses yeux bleus perçants, son sens du maintien, en font un héros pour le public. Clemenceau, qui a confiance en lui et connaît sa loyauté, l’envoie en Syrie. La mission est compliquée, Gouraud doit ménager les Anglais et l’émir Faycal : la rupture avec ce dernier lui est souvent imputée exclusivement, à tort si on suit Julie d’Andurain. Gouraud fonde le Liban et revient ensuite en France où il gouverneur militaire de Paris. Singulière figure que ce soldat membre de cette aventure coloniale aujourd’hui vouée aux gémonies. Son parcours interroge mais ses actes sont ceux d’un officier courageux, patriote, plus complexe qu’il n’y paraît.

Julie d’Andurain signe avec Le général Gouraud une brillante biographie.

Sylvain Bonnet

Julie d’Andurain, Le général Gouraud, Perrin, novembre 2022, 512 pages, 27 euros

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