Haruki Murakami, profession romancier

Comme d’autres avant lui (1), Haruki Murakami s’interroge sur l’étrange métier qui est le sien : romancier. Certains expliquent comme ils écrivent, d’autres brossent leur vie. Murakami ne semble pas pouvoir dissocier sa vie de l’écriture (comme de la course à pied ou du jazz). C’est une existence globale ! Profession romancier réunit douze essais, essentiellement autobiographiques, mais qui touchent aussi à la substance même de l’être considéré comme voué, d’une certaine manière, à écrire.

Avant d’être un romancier

La vie d’Haruki Murakami est simple. Encore étudiant, il se marie. Puis il ouvre un café-jazz dans le métro, le Peter Cat. Spécificité de l’engouement japonais pour le jazz, où il est toujours question de perfection, ces cafés sont des lieux où écouter les nouveautés, car les disques sont encore très chers. C’est aussi un lieu où se retrouver entre jazzophiles. C’est un petit monde, comme une famille. C’est aussi une école d’humanité et un havre au milieu de l’agitation contemporaine.

En 1978, il commence l’écriture de son premier roman, Ecoute le chant du vent, qui paraîtra en 1979 au Japon mais seulement en 2016 chez Belfond. Il écrit le soir, sur la table de la cuisine, après sa journée de travail au café. C’est lors d’un match de base-ball qu’il a soudain cette envie (vous comprenez mieux la couverture !), et il va s’y astreindre comme il le fait pour toute chose : avec passion et minutie. Le Jazz est présent dans le processus d’écriture, non seulement comme ambiance vitale pour Murakami, mais aussi parce qu’il déclare lui-même que ce roman a été pour lui comme l’expérimentation d’une méthode d’écriture lui donnant le sentiment de jouer de la musique.

Ecrire un roman

Pour Murakami, écrire un roman est à la portée de tous. Ce qui est difficile, c’est la durée, c’est d’installer une œuvres. Les romanciers ne sont pas différents des gens qui ont besoin de communiquer leur vision du monde à d’autres, mais ils le font pour répondre à une nécessité.

Lorsque j’ai voulu écrire mon premier roman […] j’ai eu besoin de mots nouveaux, d’un style différent. Autrement dit, d’un “véhicule” dont les écrivains ne s’étaient pas servis jusque là. »

Et comme il n’écrit sur aucun des grands sujets qui meuvent habituellement les écrivains, il s’est concentré sur son propre monde. Et de son monde intérieur et de son travail sur le style est née l’œuvre la plus importante.

Profession romancier n’est pas réservé aux lecteurs habituels du maître. C’est un joli bréviaire pour chercher en soi les ressources à mobiliser pour écrire, non pas comme lui ou comme tel autre, mais comme soi. Prenant son exemple, Murakami ne fait rien d’autre que d’enseigner non pas un chemin mais une manière d’arpenter son propre chemin, et cela le rend d’autant plus précieux.

Loïc Di Stefano

Haruki Murakami, Profession romancier, traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, October 2019, 202 pages, 20 eur

(1) Citons Stephen King et son Ecriture, mémoires d’un métier ou les Lettres à un jeune auteur Colum McCann.

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