Entretien avec Laurent Philipparie à propos de son Lectio Letalis

A l’occasion de la parution de son roman Lectio Letalis, dont nous avons rendu compte, l’occasion s’est présentée de rencontrer Laurent Philipparie, dans sa région : nous sommes voisins (1). Policier le jour, écrivain la nuit, son droit de réserve ne l’empêche pas de répondre en toute franchise sur ce qui nous intéresse le plus : la création de son polar ésotérique.

ENTRETIEN


Comme vous est venue cette idée d’utiliser la langue adamique et tout le folklore alchimique qui l’entoure pour en faire un polar ? 

En fait, je voulais impérativement écrire une histoire sur la manipulation de masse et l’atteinte permanente à notre liberté de conscience. Il suffit d’être un peu attentif à la façon dont on nous transmet les informations: la présentation, le rythme, l’ordre des éléments…
Aujourd’hui le mensonge prend des formes bien sophistiquées. Je savais que derrière tout ça, la communication jouait un rôle essentiel… Bref l’hypnose banalisée devenait mon sujet.
D’un autre côté, j’avais envie d’un début ésotérique. Au début j’avais pensé à une ambiance de chasse aux sorcières, finalement abandonnée pour un scandale d’état étouffé. Alors, il me fallait un langage mythique, qui au fil des siècles devient hypnose… Le goût de l’originalité aidant, je suis naturellement arrivé à la langue Adamique. La vraie difficulté a été de trouver et de cultiver une connexion historique entre ces deux thèmes. C’est là que l’imagination a rempli son office.


Quelle part de votre expérience personnelle nourrit votre récit ? et quelle part de Gabriel est en vous ?


Chaque passage du livre part d’une expérience personnelle ou professionnelle. Je ne sais pas faire autrement. Et lorsqu’un souvenir me fait défaut, je le fabrique. C’est pour cette raison que j’ai fait appel à un fauconnier, un hypnothérapeute, des plongeurs professionnels, une chorégraphe… Je me suis rendu compte que la part de Gabriel en moi est énorme (en fin ce serait plutôt l’inverse [rires]) : les failles, l’opiniâtreté, la méfiance absolue, le déséquilibre en guise d’énergie… C’est aussi pour cela que j’ai inventé d’autres personnages pour le prochain.

Ce que vous avez découvert de vous en écrivant les aventures de Gabriel vous plaît ou vous fait peur ?


Je dirais que ce que Gabriel m’a appris de moi-même, me fait plutôt peur. Je n’ai pas une confiance aveugle en la nature humaine car je sais la plupart d’entre nous capable de commettre le pire en certaines circonstances. Gabriel m’a juste rappelé que je ne valait pas mieux que la moyenne des gens.


Comment vos collègues et votre hiérarchie ont lu votre roman ? Parce que certains passages ne sont pas tendres pour la police en général… 

Lectio letalis n’est  qu’une fiction. De surcroit, un roman noir dans lequel la police n’est pas plus mal traitée que l’ensemble de la société. Certains de mes collègues, passionnés du genre, m’ont dit l’avoir acheté, pour ce qu’il était, « un thriller écrit par un collègue », et ils ont passé un bon moment. C’est d’ailleurs le seul objectif de ce livre. En fait au quotidien, on me parle peu de mes livres. Le métier de policier vous mobilise à 200 % et vous laisse pas vraiment le temps pour ce genre de discussion. Mes activités d’écriture sont assez cloisonnées de ma profession.

La seule perméabilité que je m’autorise et qui est encouragée par ma hiérarchie consiste en des missions partenariales interministérielles. Je vais dans des lycées des quartiers sensibles pour aider des élèves à écrire des nouvelles policières. Cela permets de leur donner une image plus exacte et généralement meilleure de la police, de leur rappeler qu’il ont tous du talent, et de leur faire écrire des trucs abominables (rires).


Vous avez réussi à faire un roman qui se passe en région et qui n’est pas régionaliste. Vous aviez peur de cet écueil ?

Mon premier roman Ne regarde pas l’ombre (1), se déroulait à Paris, et a été publié par une maison très locale. Ça fait que l’essentiel de mes lecteurs était girondin. J’avais envie de leur écrire une histoire qui se déroule chez eux. En même temps, je voulais donner davantage d’ambition à mon second livre. Donc j’ai pensé une intrigue qui se déroule en Gironde, mais dont le retentissement va bien au delà…

Et pourquoi avoir changé d’éditeur ?

Entre la structure qui a publié mon premier livre et les éditions Belfond, la question ne se pose pas vraiment…


Parlez-nous de votre prochain roman 

Mon prochain livre est déjà très clair dans ma tête. Malheureusement, entre les impératifs professionnels et la promotion du Lectio letalis, je tarde à le commencer. Ce livre tiendra compte du précédent. Je serais là ou l’on pourrait m’espérer, sans être la ou l’on m’attend. L’énergie, de même que l’action, seront déclinées très différemment. L’ésotérisme laissera la place à la spiritualité, et les rebondissements seront légion. Ce livre se déroulera dans l’univers du cabaret, et en zone Gendarmerie.

Propos recueillis par Loïc Di Stefano

(1) Merci à Clémentine Dugay, son attachée de presse, qui a facilité le contact en découvrant cette proximité géographique.

(2) Vents salés, 2016

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