Cœur sombre, un maître nommé Villard
Ancien étudiant en arts graphiques, Marc Villard est venu à l’écriture via la poésie puis a travaillé pour le cinéma et a écrit de nombreux romans noirs (Corvette de nuit, Ballon mort). C’est en tout cas comme nouvelliste qu’il s’est imposé avec brio. Cœur sombre, une « novella » comme on dit du côté de New York, est en tout cas clairement issu de cette veine, nappée dans le jazz.
La chanteuse de jazz
« Le pianiste était noir et ressemblait à Bud Powell. Le bassiste et l’homme des drums, deux blancs-becs aux cheveux courts, échangeaient des sourires de connivence en martelant un beat ternaire inspiré.
Diana mit un terme à Yesterday en se cassant le buste vers le public du Club Nova. Sa peau noire perlée de sueur indiquait l’effort qu’elle devait fournir pour garder le feeling malgré les nausées qui lui chahutaient la tête et les tripes. »

Diana est une chanteuse de jazz brillante. Elle est aussi enceinte de trois mois et on l’oblige à avorter clandestinement. Elle manque d’y laisser sa peau, se retrouve à l’hôpital où on lui annonce qu’elle n’aura plus jamais d’enfant… et rencontre Richard Deville, un fou de jazz, propriétaire d’un club, le Cherokee. Il tombe amoureux d’elle, l’épouse. Quelques années plus tard, Diana est devenue la star du Cherokee. Mais le club est menacé par des mafieux, la police ne veut pas s’en occuper. Deville s’accroche. Surtout qu’il vient de retrouver Dave Robinson, un saxophoniste qui a travaillé avec Art Pepper. Comme Deville dirige un label, il veut lui faire enregistrer des morceaux inédits de Pepper. Le rêve…
Quand Robinson débarque, fusillade au Cherokee. Diana est tuée. Deville est sous le choc, sans savoir que Robinson s’est tiré après avoir vu les tueurs. Désespéré, Deville commence sa traque des tueurs. Sur son chemin, il croise Alex, une guitariste blonde junkie. Elle tombe amoureuse de lui… mais le jazz rime avec la mort parfois.
Noir comme la mort
Cœur sombre est une ritournelle qui raconte la course à la mort des principaux personnages, pris dans un tourbillon bebop dont on ne retrouvera, au final, que du sang sur le trottoir. La fatalité comme dans tout roman noir frappe les protagonistes un à un. La drogue aussi, la dure. On parle ici d’héroïne, je renvoie à Lou Reed et à sa célèbre chanson, Heroin : il connaissait le sujet. Je me tue à le dire mais on ne répétera jamais assez combien Marc Villard est bourré de talent et que ses nouvelles/novellas laissent pantois un lecteur blasé. Foncez !
Sylvain Bonnet
Marc Villard, Cœur sombre, Rivages, juin 2025, avant-propos de François Guérif, 128 pages, 8,20 €