A Polytechnique, X 1901 : l’élite de la Belle Époque

Un historien des élites

Directeur de recherches au CNRS, Hervé Joly est connu pour son travail sur l’histoire des élites économiques et politiques en France. On lui doit par exemple Les Gillet de Lyon, fortunes d’une grande dynastie industrielle 1838-2021 (Droz, 2015). Il a choisi ici un angle original, raconter l’histoire d’une promotion de Polytechnique, celle de 1901, qui traverse ensuite tout le siècle. Hervé Joly a reçu dans son entreprise le soutien d’Antoine Compagnon qui préface ce livre.  

Au sommet de la méritocratie républicaine

Rappelons que Polytechnique est une création de la Convention que Napoléon a militarisée. A la belle Époque, elle est une des écoles de formation des élites, à côté de Normale et de l’école libre des sciences politiques. Elle est à l’époque localisée à Paris, sur la montagne Sainte-Geneviève (elle a été depuis déplacée sur le plateau de Saclay) et base sa sélection sur les mathématiques. Notons en 1901 le faible poids des langues étrangères dans les critères de sélection. Hervé Joly note aussi la présence d’élèves juifs (presque 10 %), signe de l’intégration de cette minorité en pleine affaire Dreyfus, et protestants.  

Et après ?

Une fois sortis de l’école, beaucoup font l’école des Ponts et chaussées et certains vont à… Normale. Peu deviennent militaires de carrière, un seul général d’armée sortira des rangs de cette promotion. On les retrouve donc dans l’administration, les travaux publics, les PTT. D’autres iront dans le privé (tiens, déjà !) soit pour pantoufler, soit pour innover (l’un d’entre eux créera les chemises Lacoste). La majorité a fait une belle guerre en 1914-1918, principalement dans le Génie et l’artillerie. Durant les années noires, peu font au final le choix de la collaboration avec les nazis et beaucoup s’engageront dans une résistance active.

Qu’en retenir ? Les élites sont beaucoup critiquées en France, notamment sur leur mode de sélection. Cette promotion de Polytechnique n’a pourtant pas démérité, loin de là. Alors étaient-elles meilleures autrefois ? Et en ce cas pourquoi ? Vaste débat qui s’ouvre intérieurement après avoir terminé ce livre passionnant.    

Sylvain Bonnet

Hervé Joly, A Polytechnique, X  1901, préface d’Antoine Compagnon, Flammarion, janvier 2021, 432 pages, 23,90 eur

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