La danse de l’ours de James Crumley
Un mythe du roman noir
Décédé en 2008, James Crumley a laissé un souvenir marquant aux amateurs du genre. Par exemple avec Le Dernier baiser, où il introduit pour la première fosi un de ses personnages fétiches, C.W. Sughrue, et se fait remarquer par son style âpre, dur ainsi que par une narration encline à la digression. Mais Crumley a aussi créé dans Fausse piste Milo Milodragovitch, ancien combattant de la guerre de Corée, ancien flic devenu privé, qui attend de toucher son héritage (très conséquent) le jour de son cinquante-deuxième anniversaire. En attendant, Milo en voit des vertes et des pas mûres, entre cuites, meurtres et belles filles à sauver. La Danse de l’ours reprend ce deuxième personnage.
Et c’est reparti pour nager dans les emm…
Milo s’est reconverti comme agent de sécurité chez Halibuton Security. Plus au calme, il attend de toucher son héritage. Un jour d’hiver, il est contacté par une vieille dame, Sarah, qui fut la maitresse de son père. Elle lui demande de surveiller un fouineur, selon son expression. Après un temps d’hésitation, en partie par nostalgie de son père, Milo accepte. Il faut dire que les charmes de Gail, l’assistante, n’y sont pas pour rien. Le colonel, son patron à Haliburton s’inquiète un peu pour lui :
— Alors tu t’amuses bien ? Demanda le colonel d’une voix enjouée et j’eus un peu de mal à lui répondre. Tu bois toujours du schnaps ?
— Ma putain de langue a un foutu goût de sucre d’orge à la menthe, dis-je en décidant d’y remédier immédiatement. »
Le vieil homme a raison de s’inquiéter. Tout dégénère vite en fusillade, courses-poursuites. Carburant à la coke, Milo replonge dans les ennuis. Il ne tardera pas à découvrir que la vieille dame et son assistante cachent bien des secrets. Longue sera la route pour se sortir de ce merdier…
Ne jamais en finir avec Crumley
Il s’agit ici, cher lecteur, d’un grand roman. Ce jugement d’un critique fasciné par le style de Crumley depuis plus de vingt ans peut paraître péremptoire. On reconnaîtra bien sûr qu’il a subi l’influence de Jim Harrison par exemple. Ajoutons que ses intrigues paraîtront mal ficelées pour certains. Reste qu’il offre une vision de l’Amérique des années 70 décapante et sans concessions. Ici, on est loin du flower power, l’argent est partout et corrompt trop facilement les gens. Des gens qui se réfugient dans la boisson, seuls avec leurs rares bons souvenirs. Même le sexe ne paraît qu’une échappatoire fugace. Reste la description du Montana, sauvage et élégiaque à la fois qui fascine le lecteur et offre un peu d’oxygène. On rit souvent tout de même, tant le personnage de Milo distribue généreusement ses traits d’esprit désabusés.
La Danse de l’ours est un excellent roman, ne tournons pas autour du pot. Comme Burke, son ancien camarade de beuverie, Crumley fut un grand du roman noir.
Sylvain Bonnet
James Crumley, La Danse de l’ours, traduit de l’anglais par Jacques Mailhos, illustrations de Aude Samama, Gallmeister, « Americana », novembre 2018, 320 pages, 22, 60 eur