Robicheaux, Blues cajun de James Lee Burke
Un des auteurs phares du genre
Comment présenter James Lee Burke dont l’œuvre a rencontré le succès dès La Pluie de néon, le premier volume des aventures du policier Dave Robicheaux, personnage iconique de l’œuvre de Burke ? On ne se représente pas à quel point il peut être difficile pour un écrivain de concevoir une série avec un personnage récurrent tout en réussissant toujours à surprendre et à se surprendre, car le piège ici est de tomber dans une « formule » confortable. Or Burke réussit toujours à nous intéresser, à nous immerger dans son univers et dans cette Louisiane très loin des élucubrations d’un Maurice Denuzière. De plus, Robicheaux vieillit et porte sur le monde un regard de plus en plus désabusé, nostalgique de l’univers cajun de son enfance et marqué, en tant que flic, par la noirceur de l’homme. Robicheaux parle de tout ça et de bien d’autres choses, on va le voir.
Un homme brisé
En semi-retraite de la police d’Iberia, l’inspecteur Dave Robicheaux traîne son mal-être dans de longues promenades. Sa troisième femme, Molly, a été tuée dans un accident de la route par un chauffard nommé Dartez, que la justice a libéré. Parallèlement, une des vieilles connaissances de Dave, Jimmy Nightingale vient le voir pour lui demander d’organiser un repas avec l’écrivain Levon Broussard.
Nightingale songe en effet à produire un film à partir d’un de ses romans et pense aussi à se lancer en politique, ce qui ne réjouit pas Dave car il est soutenu par Tony Nemo, un des anciens mafieux de la Nouvelle-Orléans. Dave se sent de plus en plus partir… et replonge dans l’alcool.
La Vodka coulait à la fois chaude et fraîche et douce et dure comme de la glace, tout ça à la fois. Quand je fermais les yeux, une lanterne s’allumait à l’intérieur de ma tête, comme si je m’étais enfoncé dans le bras une seringue hypodermique remplie de morphine ».
Robicheaux tente ensuite de se reprendre, avec l’aide de sa fille Alafair. Mais on a retrouvé mort le chauffard qui a tué sa femme. Les soupçons se portent naturellement vers lui, surtout qu’il n’arrive pas à se souvenir de ce qu’il a fait durant sa nuit du meurtre tellement il était saoul. Lui-même doute de ce qu’il a fait. Et puis Nightingale est soupçonné d’avoir violé la femme de Levon Broussard. Dave aura bien besoin de l’aide de son vieil ami Clete Purcel pour démêler toutes ces histoires.
Le roman noir ne meurt jamais
On termine ce roman avec la satisfaction d’avoir lu le texte d’un véritable écrivain, un de ceux pour qui l’acte d’écrire relève à la fois de la nécessité vitale et en même temps d’un immense besoin de poésie. Car il y a de la poésie dans ce roman, lorsque Burke évoque les paysages de la Louisiane ou peint le désarroi de Robicheaux. Quand il replonge dans l’alcool, on boit littéralement en même temps que lui ! En même temps, c’est un grand roman noir qui en dit beaucoup sur la façon dont des gens simples du Sud votent pour des politiciens démagogues et pour un homme comme Donald Trump.
On espère sincèrement que Burke nous offrira encore beaucoup d’autres romans de ce calibre.
Sylvain Bonnet
James Lee Burke, Robicheaux, traduit par Christophe Mercier, Rivages, juin 2019, 494 pages, 23 eur