Les Princesses Mazarines, les héritières paradoxales du cardinal

Du siècle des Lumières au Grand Siècle

Spécialiste du XVIIIe siècle, Evelyne Lever a publié des ouvrages sur les souverains emblématiques de la période comme Louis XVI (Fayard, 1985) et Louis XVIII (Fayard, 1988) ou des synthèses comme L’affaire du collier (Fayard, 2004). Elle a été aussi la biographe de Philippe-Égalité (Fayard, 1996), régicide et père de roi (!) et a récemment publié un ouvrage qui a remporté un grand succès sur la correspondance entre Fersen et l’épouse de Louis XVI, Le grand amour de Marie-Antoinette (Tallandier, 2020). Ici, elle s’éloigne de sa période de prédilection en remontant le temps vers le siècle de Louis XIV en s’intéressant aux nièces du cardinal Mazarin.

Des amies des princes

Mazarin n’était pas issu d’une grande famille. Il a cependant fait une grande carrière, au service des rois Louis XIII et Louis XIV, contribuant largement à installer la prépondérance française en Europe après les traités de Westphalie et des Pyrénées. Il a aussi bâti une immense fortune grâce en partie à des moyens illégaux et à la corruption (mœurs du temps) et a fait venir ses nièces et neveux en France. Comme cardinal, il ne pouvait pas décemment avoir des enfants… Mazarin a peu à peu élevé sa nombreuse parentèle avec les princes français. Il espérait pour ses nièces des mariages prestigieux. On peut dire qu’il ne fut pas déçu !

Les amours du jeune Louis XIV

Le jeune monarque aime les femmes. Il jette d’abord son dévolu sur Olympe, belle et ambitieuse, spirituelle aussi, toujours fine et pleine d’esprit. Il couchera avec, même après son mariage avec Eugène-Maurice de Savoie. Mais c’est avec Marie que l’alerte fut chaude pour Mazarin. Alors qu’il négociait un mariage royal avec une infante espagnole, Marie-Thérèse, Louis s’éprend de Marie, follement. C’est une passion, comme rarement ce roi en connut surtout qu’elle fut platonique ! Il parla mariage, elle y pensa aussi. La raison d’état triompha, comme le raconte Evelyne Lever. Louis épousa donc son infante qu’il trompa ouvertement, Marie épousa le prince Colonna et partit à Rome. Mazarin, lui, trépassa…

Des stars avant l’heure

Mais les « Mazarines », pas forcément satisfaites de la tutelle du défunt cardinal, n’ont pas dit leur dernier mot. Olympe reste très influente à la Cour de France mais se compromet plus tard dans l’affaire des poisons : elle doit s’exiler loin de son ancien amant à Bruxelles. Ce dernier fut d’ailleurs peu inspiré en refusant un régiment au fils d’Olympe, Eugène, qui du coup entra au service des Habsbourg et fut un des plus farouches adversaires du Roi-soleil. Quant à Marie, elle enchaîne les déceptions à cause de son comportement face à un mari, au début amoureux mais très fier (même s’il la trompait), au point de passer un temps dans un cloître à Madrid. Et il y a aussi les autres sœurs, comme Hortense, mal mariée, qui fut un temps la maîtresse du roi d’Angleterre Charles II, ou Marianne dont les mœurs étaient assez… compliquées.

Cet ouvrage d’histoire, parfois léger et souvent grave, se lit souvent comme un roman. Ici, ce n’est pas un défaut mais une qualité.

Sylvain Bonnet

Evelyne Lever, Les Princesses Mazarines, Tallandier, avril 2023, 352 pages, 23,50 euros

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