Le cinéma policier français, 100 films et 100 réalisateurs

L’auteur du Cinéma policier français, Jean Ollé-Laprune, a raison d’écrire d’entrée que le livre de François Guérif, Le Cinéma policier français (1988) reste une référence incontournable. On n’a pas fait mieux depuis. D’ailleurs on n’a pas beaucoup essayé. Autant on a noirci des tonnes de pages, des deux côtés de l’Atlantique, sur le Film Noir, autant on a délaissé le polar français, considéré comme un sous-genre fabriqué par des traine-savates. Il compte pourtant pas mal d’œuvres majeures qui vont de Touchez pas au grisbi au Clan des Siciliens, du Samouraï au Choix des armes, de Quai des Orfèvres à Mort d’un pourri

Ici l’idée est de proposer 100 films pour 100 réalisateurs (et vice versa)

D’emblée se pose la question du choix. Car je pourrais ergoter pendant des heures sur les présents et les absents. Personnellement je ne vois pas très bien ce que viennent faire ici Les Tontons flingueurs ou La Cité de la peur qui me semblent appartenir plus à la comédie qu’au polar. Certaines œuvres (dont Un prophète) font partie d’un sous-genre, le film de prison, qui n’est plus tout à fait de l’ordre du polar. Pourquoi, pour Yves Boisset, avoir choisi le médiocre Canicule et non le fondamental Un Condé ?… Rayon réalisateurs, certains noms me paraissent manquer. Franck Mancuso n’est pas un manchot et sait de quoi il parle. Olivier Van Hoofstadt sait user du polar. Et pourquoi sélectionner 120, rue de la Gare sans dire un mot sur son réalisateur, Jacques Daniel-Norman ?

Bref, on pourrait pinailler, se déchirer mais cela n’avancerait pas à grand-chose. Acceptons les choix de l’auteur. 

Chaque film est présenté de manière claire (quoique succincte) sur une ou deux pages. Quelques lignes de résumé, une évocation de la genèse et de l’impact, des citations des réalisateurs, une ou deux anecdotes et le tour est bouclé. On est, donc, loin du livre de Guérif. Mais tel n’est pas le but de celui-ci. Il se veut un survol d’une centaine d’œuvres importantes du film policier français. C’est déjà beaucoup. Certains films nous sautent aux yeux, tant ils sont connus, mais quelques raretés sont les bienvenues (je pense à Requiem pour un caïd qui vaut bien mieux que son titre façon Série Noire). 

L’auteur va à l’essentiel. Il ne se laisse aller qu’une fois. Comme pris de frénésie, Jean Ollé-Laprune oublie sa rigueur pour basculer dans l’analyse façon Cahiers du cinéma. Cela concerne Ne le dis à personne : « Un ballet de protagonistes et de situations dont on sent confusément que la présence sert à masquer la face sombre d’un récit que le réalisateur appelle en même temps qu’il la rejette. » Faut le lire pour le croire ! Et je vous fais grâce du paragraphe suivant. 

Mais je ne peux pas me fâcher avec ledit auteur. D’abord parce que son livre est intéressant, ensuite parce qu’il me cite (page 55) ! Oublions, donc, ce dérapage incontrôlé.

Polar made in France, un genre sous traité

Ce Cinéma policier français m’apparait comme un agréable catalogue permettant une approche d’un genre sous-traité. La mise en pages est plaisante et les nombreuses photos enrichissent l’ensemble, favorisant une immersion dans le cœur du sujet. 

Le polar made in France mérite largement un tel hommage. On peut même imaginer un tome 2 avec cent autres films (mais les mêmes réalisateurs !). Espérons, en tout cas, que cet album ouvre une nouvelle voie, loin des sempiternelles études sur la Nouvelle Vague.

Pour conclure, je tiens à préciser que M. Ollé-Laprune est bien plus que le « cinéphile passionné » (passionné de quoi ?) présenté au dos du livre. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le cinéma, a participé à la création de documentaires et a créé la série Ciné Kino sur Arte. Ce n’est pas un amateur !

Philippe Durant

Jean Ollé-Laprune, Le Cinéma policier français, Hugo Image, octobre 2020, 239 pages, 24,95 eur

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