La République de Weimar : un régime maudit … à tort?

Grand spécialiste de l’histoire de l’Autriche et de l’Allemagne, professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne, Jean-Paul Bled a publié un grand nombre de biographies qui ont fait date : François-Joseph (Fayard, 1986), Marie-Thérèse (Fayard, 2001), Frédéric II (Fayard, 2004), Bismarck (Perrin, 2010) et enfin Hindenburg (Tallandier, 2020). Ici, il se penche sur l’histoire tourmentée de la République de Weimar.

Un régime contesté dès ses origines

Jean-Paul Bled décrit avec clarté les évènements qui ont amené à la proclamation de la République, au moment où le Reich impérial commence à subir militairement face à ses alliés. Ce sont les socialistes allemands du SPD, avec Ebert à leur tête, et des partis centristes comme le Zentrum qui ont voulu instaurer un régime républicain, tout en n’hésitant pas à faire appel à une armée à l’encadrement largement aristocratique pour réprimer le soulèvement spartakiste de 1919 puis différents putschs d’extrême-droite (avec moins d’entrain). La république de Weimar doit alors faire face aux pires difficultés : signer le traité de Versailles, payer les réparations, relancer une économie aux abois avec une monnaie en faillite. Après l’échec français de l’occupation de la Ruhr, ce sont les belles années qui commencent, grâce aux capitaux américains, à l’esprit de Locarno. Un homme incarne cette époque : Stresemann. Peu à peu rallié à la République, négociateur habile, Stresemann aurait rendu la tâche beaucoup plus difficile à Hitler, peut-être l’aurait-il empêché de prendre le pouvoir…Mais il meurt en 1929.

Rien n’était écrit

Pour autant, il faut toujours se garder de toute vision téléologique de l’histoire. Les institutions de Weimar pouvaient tenir. Rien ne forçait Hindenburg à dissoudre l’assemblée en 1932. Rien ne le forçait non plus à nommer Hitler en février 1933 à la chancellerie, alors que les nazis enregistraient des reculs. Ce sont des hommes qui ont failli, par haine de la gauche. Citons-les : Brüning (par sa politique économique folle), Von Papen, Hindenburg enfin. Ce dernier porte une responsabilité énorme devant l’histoire. La République aurait pu tenir. Elle laisse en tout cas le souvenir d’une période culturellement riche, marqué par un âge d’or du cinéma allemand : beaucoup de cinéastes émigreront d’ailleurs à Hollywood, comme Wilder ou Siodmak.

Comme toujours, Jean-Paul Bled signe un excellent ouvrage.

Sylvain Bonnet

Jean-Paul Bled, La république de Weimar, Perrin, avril 2025, 320 pages, 24 euros

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