de Gaulle, portrait du soldat en politique
Historien émérite
Jean-Paul Cointet est un spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale. On lui doit un ouvrage sur La Légion française des combattants (Albin Michel, 1995), Les Hommes de Vichy (Perrin, 2017). Il a aussi publié des biographies dont celles de Pierre Laval, de Marcel Déat et d’Hyppolite Taine. Avec de Gaulle, portrait d’un soldat en politique, il livre un essai autant qu’une biographie, on va le voir.
Un militaire et un intellectuel
En lisant ce livre, on est frappés par la formation intellectuelle du futur leader de la France libre. Fils de professeur (même si Henri de Gaulle a exercé au sein d’écoles catholiques et non dans la « laïque »), Charles de Gaulle a grandi en lisant énormément d’écrivains et d’historiens de tous horizons. Parmi ses auteurs favoris, on retrouve autant Michelet que Barrès, Châteaubriand que Péguy, qu’il aima passionnément. Ses parents jouent un rôle crucial dans son éducation. Ils l’envoient améliorer ses mathématiques dans une école jésuite en Belgique avant de passer les concours de Saint Cyr.
Ce goût des lettres et des idées a pu ensuite aider le futur général à pénétrer des cercles et des salons parisiens dans les années 30. Et aussi à lui donner une autonomie intellectuelle au sein d’un milieu militaire sclérosé (ce qui n’empêcha pas d’être aussi « patronné » longtemps par Pétain).
La révolte et l’innovation
On peut en déduire que le général de Gaulle était, par ce petit pas de côté permis par sa formation initiale, plus apte à la rébellion en juin 1940. Et puis il y a ce caractère, forgé au cours des années, altier, non-conformiste qui explique son essai sur l’armée de métier, sa défense des chars (mais pourquoi son ignorance de l’aviation ?), sa capacité à attirer des hommes et des femmes qu’on aurait cru loin de lui a priori.
Le jeune de Gaulle s’était rêvé grand général, l’homme mûr se révéla génial politique. Héritier de la vision de Clausewitz (« la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ») il s’avère apte à sauver l’honneur d’un pays. A son retour au pouvoir en 1958, l’homme réussit à refonder la République et à lui donner la dissuasion nucléaire. Mais il en accepte le prix : l’Algérie.
On est impressionné par l’itinéraire brossé par cet essai qui n’exclut pas les zones d’ombres, pendant la guerre et après. Une chose est sûre : de Gaulle sortait de l’ordinaire !
Sylvain Bonnet
Jean-Paul Cointet, de Gaulle : portrait d’un soldat en politique, Perrin, janvier 2020, 384 pages, 23 eur