Robespierre, l’homme de la Révolution, par Marcel Gauchet

Philosophe et historien

Auteur du Désenchantement du monde (Gallimard, 1985), Marcel Gauchet a aussi écrit La Révolution des droits de l’homme (Gallimard, 1989) ainsi que L’Avènement de la démocratie, un ouvrage en quatre tomes dont le dernier est sorti en 2017. Autrefois sympathisant gauchiste, Marcel Gauchet a ensuite été proche de la deuxième gauche de Michel Rocard. Accusé par Geoffroy de Lagasnerie de dérive « droitière » et « réactionnaire », il reste cependant un intellectuel très lu. Il publie ces jours-ci un essai sur Robespierre, une occasion de revenir sur le parcours d’un des ténors de la Révolution française les plus controversés.

 

L’homme des droits de l’homme

Robespierre fascine et horrifie toujours, la controverse au sujet de la redécouverte du supposé moule de son visage (visiblement un faux) le démontre bien. Marcel Gauchet commence en tout cas en rappelant combien l’homme incarna la naissance des droits de l’homme (et n’oublions pas qu’il y consacra un livre) :

 

Sur le fond, sa ligne est aussi simple que constante : rien que la Déclaration des droits de l’homme, toute la Déclaration des droits de l’homme. Il est infatigable sur le sujet, à tel point qu’il serait fastidieux d’égrener l’une après l’autre toutes les occasions où il se manifeste. Cette pierre de touche invariable lui permet aussi bien, en effet, de développer des considérations méditées sur des questions fondamentales que d’intervenir à brûle pourpoint sur des affaires d’actualité ou des questions à première vue mineures. »

 

De fait (et la biographie de Jean-Clément Martin le démontrait bien), l’activisme de l’orateur Robespierre pendant la période de l’assemblée constituante lui permet de devenir populaire, d’être un des hommes qui comptent. Il n’est d’ailleurs pas à ce moment-là un « républicain ». La fuite à Varennes et surtout les évènements du 10 août l’amènent à sauter le pas et à envisager ce saut dans l’inconnu qu’est la République.

 

L’homme de la Terreur ?

 

Robespierre ne fut pas l’homme de la Terreur, dans ce sens où c’est un groupe, aux contours fluctuants, qui l’instaura. Par contre, par son poids sur la convention, par son éloquence, par sa lutte contre les brissotins-girondins, il acquit une légitimité pour incarner le moment révolutionnaire, lui qui répugnait à exercer des responsabilités « exécutives ». Après les girondins, Robespierre s’en prendra aux Enragés d’Hébert puis aux Indulgents de Danton et Desmoulins (dont il avait été le témoin de mariage). La force de Robespierre, via ses discours, est de s’être imposé comme point d’équilibre aux yeux du marais de la Convention. Mais pour quoi faire ? Il fait proclamer le culte de l’être suprême et en même temps favorise le vote des lois de Prairial qui intensifie la répression contre les ennemis de la Révolution, notion extensive, très extensive… Au fond, Marcel Gauchet a raison, lorsqu’évoquant un possible succès de Robespierre le 9 Thermidor, l’échec est annoncé :

 

L’échéance n’eut été que reculée. La République telle que la rêvait Robespierre n’eut pas davantage été fondée. Car elle ne pouvait pas l’être dans les termes où il la pensait. Le réservoir des « conspirateurs », des « factieux » et des « fripons » à écarter pour y parvenir n’eût fait que se révéler un puit sans fond. »

 

De cette dualité révolutionnaire, l’homme des droits de l’homme et du terrorisme est le meilleur des prototypes. Il est aussi, selon Gauchet, une des bornes de notre modernité.

A lire et à discuter.

 

 

Sylvain Bonnet

Marcel Gauchet, Robespierre l’homme qui nous divise le plus, Gallimard, « l’esprit de la cité », octobre 2018, 288 pages, 21 euros

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