La loi du sang, la vision nazie du monde
Une approche originale du nazisme
Le nazisme et ses crimes furent un des faits majeurs de l’histoire du XXe siècle. Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne, propose dans ses travaux de prendre au sérieux les fondements normatifs et l’argumentaire juridique proposé par le IIIe Reich pour justifier son action. C’est ainsi qu’il a analysé les liens entre le nazisme et l’antiquité avec Le National-socialisme et l’antiquité (PUF, 2008). La Loi du sang, tiré de son mémoire d’habilitation, est la réédition d’un ouvrage paru dans « La Bibliothèque des histoires » en 2015.
Le nazisme ne naît pas ex nihilo
Tout d’abord, Johann Chapoutot rappelle que le nazisme n’est pas pour lui un accident de l’histoire et s’inscrit dans le temps long. Il s’inspire de thèses eugénistes, racistes développés en Allemagne, en Europe mais aussi par certains intellectuels américains. Il développe une vision organiciste de la société, opposée à l’individualisme des lumières et de la Révolution française, où l’homme se définit par l’appartenance à une communauté. Pour les nazis, l’allemand a été corrompu par le christianisme, une invention juive, et doit revenir à ce qu’il était à l’origine. Car ce qui compte au final c’est la race et la lutte pour la survie. Le nazisme récupère donc des idées présentes depuis là mais en les radicalisant, en les poussant au bout de leur logique.
Un but : éduquer les allemands
En lisant cet ouvrage, le lecteur se rend compte que l’idéologie nazie visait à réformer totalement la société allemande. Le droit est ainsi épuré, débarrassé de scories héritées du droit romain ou d’influences « juives ». Les nazis veillent ainsi à former les nouvelles générations, les anciennes étant encore influencées par le monde d’avant. Surtout, les hiérarques nazis préparent la société allemande à la guerre à l’est, censée donnée le fameux espace vital. L’effort demandé aux soldats, et particulièrement aux SS, peut sauver l’Allemagne selon eux. Tuer un enfant (juif souvent) relève ici de la bravoure, d’une victoire qui sauve l’avenir.
La Loi du sang : penser et agir en nazi est un livre glaçant mais passionnant.
Sylvain Bonnet
Johann Chapoutot, La Loi du sang : penser et agir en nazi, Gallimard, juin 2020, 564 pages, 13 eur