Croire, sur les pouvoirs de la littérature

Justine Augier, Prix Renaudot Essai 2017, est la fille de Marielle de Sarnez (1951-2021), femme politique, européistes engagées, députée et 
Ministre, bras droit de François Bayrou au MoDem. Peu avant sa mort, elle insiste pour que sa fille fasse le témoignage de leur relation particulière, qui s’est faite par le biais de livres. Parler de sa mère, de soi et des livres qui font le lien de l’une à l’autre, ce sera le très beau récit  Croire, sur les pouvoirs de la littérature.

Le pouvoir des livres, c’est celui qui accompagne la mère, dans son chemin contre la maladie. Les livres sont alors des réconforts de l’âme, parmi lesquels Yoga d’Emmanuel Carrère. Les livres consolent, apaisent, sont des compagnons fidèles et toujours disponibles pour soi. Des livres quand son état physique ne permet plus d’être en société. Le pouvoir de réduire la société nécessaire à soi, et quelques grands auteurs essentiels.

Le pouvoir des livres, c’est celui de se construire. Brique après brique. Sa mère lui fait lire Camus, elle choisira Sartre, on se construit toujours en opposition, et c’est encore un lien mère-fille. Justine Augier se sert des livres pour comprendre le monde, voire en accepter les horreurs, comme la guerre en Syrie qui l’obsède par ce que les grandes puissances ont laissé faire.
Le pouvoir des livres, c’est aussi le réconfort pour soi, après la disparition de la mère aimée. Alors les livres parlent d’elle, mais aussi de soi, un réconfort de reconstruire la présence de la disparue et de se couler soi-même dans des textes qui touchent à l’âme particulière de chaque lecteur. Pour Justine Augier, ce seront « les auteurs-philosophes-critiques, ceux qui se tiennent aux frontières et ne cesseront de me procurer une émotion singulière – Deleuze et Barthes à l’époque, Blanchot et Derrida un peu plus tard. »

Grandir parmi les politiques et les livres, dans les longs silences de sa mère et les lectures comme un pont entre elles. Un lien au-delà du temps. Un bel hommage à cette femme que tout le monde connait mais dont personne ne savait ce profond attachement à la littérature. Le jardin secret qu’elle a partagé avec sa fille.

Croire, sur les pouvoirs de la littérature est un très beau récit personnel qui permet à Justine Augier de comprendre son rapport au monde, aux livres, à sa mère. Et d’offrir au lecteur un exercice d’enrichissement de soi par la lecture. La littérature est la seule nourriture pour l’esprit, et son pouvoir est immense. En voici un bel hommage, dans une langue qui se déploie en passant d’un sujet à l’autre, sans omettre de rappeler que la Littérature est une révolution, que les livres qui nous impactent (nous émeuvent, nous heurtent, nous blessent, nous mobilisent…) sont autant d’actes politiques. La littérature, la politique, la conscience de soi et du monde, et l’engagement viscéral dans chacun de ces domaines, qui n’en est qu’un pour Justine Augier : la boucle des pouvoirs de la littérature, en lesquels elle pose l’un des plus beaux mots de la langue : croire.

Loïc Di Stefano

Justine Augier, Croire, sur les pouvoirs de la littérature, Actes sud, janvier 2023, 133 pages, 18 euros

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