Le mythe de la guerre-éclair, la campagne de l’Ouest de 1940

Publié originellement chez Belin, cet ouvrage de Karl-Heinz Frieser, officier et militaire allemand, s’attaque donc à un mythe, celui de la Blitzkrieg du début de la seconde guerre mondiale qui permit à l’Allemagne nazie de conquérir le continent, jusqu’à l’échec devant Moscou en décembre 1940.

Un concept forgé a posteriori ?

De fait, avant la victoire surprise de mai-juin 1940, personne dans l’armée allemande, sous la République de Weimar ou le IIIe Reich, n’avait théorisé la Blitzkrieg ou guerre éclair. On pensait, héritage de la Grande guerre, qu’une guerre à l’ouest serait longue et qu’il fallait tout faire pour éviter une guerre sur deux fronts. Si des officiers allemands réfléchissent sur l’usage des blindés, comme Guderian, ils se heurtent au conservatisme de l’état-major, à l’instar d’un de Gaulle en France. La seule novation est qu’ils réfléchissent à combiner blindés et aviation. Si la campagne de Pologne en septembre 1939 est une réussite, une « guerre-éclair », notons que la Wehrmacht fait face à une armée beaucoup moins moderne. Et l’armée rouge lui donne le coup de grâce. L’adversaire français s’avère d’une toute autre trempe, même s’il n’a pas profité d’une occasion majeure en septembre 1939 pour s’enfoncer en territoire allemand…

Un coup de faucille ou un coup de poker ?

A l’ouest, quand on lit Karl-Ernst Frieser, l’état-major ne songe qu’à rééditer le plan Schlieffen, vaguement amélioré (il est vrai que la Belgique est une voie traditionnelle pour envahir la France par le nord). C’est là que Manstein intervient pour proposer un plan exceptionnel de percée par les Ardennes, ventre mou du front en pariant sur la rapidité des panzers et la bêtise des français. Et c’est là que ça marche : Gamelin lance ses meilleures troupes le 10 mai 1940 en Belgique et aux Pays-Bas, la fameuse manœuvre Dyle-Breda, où l’infanterie française et ses chars se révèlent plus coriaces qu’on ne le croit face aux troupes allemandes. Mais l’essentiel se joue à Sedan : les allemands passent, les français se débandent et n’arrivent pas à colmater (expression issue de la seconde guerre mondiale). Donc la Blitzkrieg marche… parce que l’adversaire, par ses présupposés tactiques et stratégiques, tombe dans le panneau. Et les allemands se révèlent aussi supérieurs au niveau de la logistique, par exemple avec leur utilisation de la radio ou des jerrycans d’essence. Si la victoire à l’ouest en 1940 est éclatante, elle ne règle rien car l’Angleterre refuse la paix. Pire, Hitler lance Barbarossa l’année suivante, sans avoir compris que les distances, les contraintes logistiques (par exemple l’écartement des rails n’est pas le même en Russie qu’en France, les routes ne sont pas goudronnées) vont le condamner à l’échec, en regard des ressources démographiques et économiques. La guerre industrielle, c’est aussi ça.

Cet essai brillant est incontournable.

Sylvain Bonnet

Karl-Ernst Frieser, Le mythe de la guerre-éclair, traduit de l’allemand par Nicole Thiers, Alpha « histoire », mai 2024, 656 pages, 13 euros

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