Nouvelle histoire économique du Consulat et de l’Empire, le nerf de la guerre
Directeur de la Fondation Napoléon et auteur d’une histoire du Premier empire qui a fait date, Thierry Lentz a dirigé en fin d’année dernière un ouvrage collectif consacré à l’histoire économique de la période napoléonienne. Il a fait appel à des spécialistes comme Pierre Branda (auteur d’un livre magistral sur la maison de l’empereur paru chez Fayard en 2011), Hélène Lewandowski, Jean-Philippe Rey, l’excellent Charles-Eloi Vial ou François Houdecek.
L’intendance suivra ?

Si Napoléon a lu des ouvrages d’économie, comme La richesse des nations d’Adam Smith, ce n’est pas sa spécialité. Il hérite en tout cas d’une situation difficile en 1799. La période révolutionnaire a ruiné le commerce de la France, les impôts ne rentrent plus et il n’y a plus de monnaie stable. Napoléon sachant s’entourer, il va réussir à rétablir quelque chose d’essentiel en économie : la confiance, surtout après la victoire de Marengo. Le futur empereur va aussi savoir s’entourer d’hommes compétents, comme Chaptal ou Mollien et surtout apprendre à se montrer pragmatique, surtout qu’il y a des guerres à financer, d’abord contre l’Angleterre puis contre les souverains européens.
On ne sait pas assez qu’en 1805 la France passe tout près de la faillite avec le scandale des négociants réunis. Dès lors, Napoléon aura un principe : la guerre finance la guerre. Ainsi il lève des contributions importantes sur les pays vaincus et gère le domaine extraordinaire. Si les français paient de plus en plus d’impôts, la pression fiscale est plus faible qu’en… Angleterre. Reste que la finance européenne fait confiance à Londres plutôt qu’à Paris : le souvenir de la banqueroute des deux tiers ?
Un bilan contrasté
La guerre empêche la France de redevenir une grande puissance commerciale et les ports de la façade atlantique comme Bordeaux souffrent de cette situation même si le tableau d’ensemble gagne à être nuancé, en partie grâce à la construction navale très active durant l’Empire (Napoléon n’a jamais renoncé à une revanche navale). La ville de Lyon connaît une forte croissance (excellente analyse de Jean-Philippe Rey), une forme de récupération après la « dépression » révolutionnaire, idem pour l’agriculture. Si de nouvelles techniques sont introduites grâce à des entrepreneurs comme Richard Lenoir ou Oberkampf, la France ne connaît pas de révolution industrielle même si Napoléon s’est intéressé à certaines machines. Peu à peu, le pays entre dans la modernité.
Au total, l’ouvrage est une somme magistrale, très utile pour les passionnés et les étudiants.
Sylvain Bonnet
Thierry Lentz (sous la direction de), Nouvelle histoire économique du Consulat et de l’Empire, Passés composés, septembre 2024, 588 pages, 27 euros