La famille royale au temple, une tragédie nationale

Un historien nourri aux archives

S’il est conservateur à la Bibliothèque nationale de France, archiviste de formation, Charles-Eloi Vial est surtout connu des amateurs d’histoire pour avoir publié Le Dernier voyage de l’Empereur (Vendémiaire, 2015), Les Derniers feux de la monarchie, la Cour au siècle des révolutions 1789-1870 (Perrin, 2016) et enfin une biographie remarquée de Marie-Louise (Perrin, 2017) qui lui a valu le prix Premier Empire de la Fondation Napoléon. Un historien remarqué donc qui a aussi le mérité d’écrire dans une langue claire et joliment déliée. Il sort cette année chez Perrin La Famille royale au Temple où il se donne comme ambition de retracer l’histoire des otages royaux de 1792 à 1795, en utilisant de nouvelles archives.

 

Le calvaire d’une famille

Vial sous-titre son ouvrage Le remords de la Révolution. Il faut dire que Louis XVI et sa famille vont vivre au Temple des souffrances inouïes. On garde à l’esprit la correspondance du Roi avec des souverains étrangers, son double jeu vis-à-vis des révolutionnaires, même après l’échec de la fuite à Varennes. Il reste cependant que les anciens souverains, leurs enfants et leur jeune tante (la belle madame Elisabeth qui fit tant vibrer Pétion, futur maire de Paris, lors du retour de Varennes en 1791) ont été victimes d’une détention arbitraire qui violait le texte de la constitution de 1791 qui proclamait le souverain inviolable. Il est vrai que la commune de Paris concurrençait alors le pouvoir législatif… Le procès de l’ancien Roi, qui se déroula en bafouant des règles de droit élémentaire, puis son exécution ne ramenèrent pas la paix. Les prisonniers du Temple virent leurs conditions de détention s’aggraver. Le petit Louis XVII fut confié aux Simon, fut battu et forcé d’apprendre des chants révolutionnaires, puis de répéter à Hébert, chef des Enragés, que sa mère et sa tante le forçait à des actes incestueux… Pour quel résultat ? Humilier une ex-reine dont le procès était joué d’avance ? Qu’y gagna la Révolution ? Le sang du couple royal enracina-t-il la République ?

 

Une orpheline et vingt-huit millions de survivants

Après Marie-Antoinette, madame Elisabeth fut aussi jugée, condamnée et décapitée : la Terreur battait son plein et éliminait ses ennemis, virtuels ou inventés. Après Thermidor, Barras, futur mentor de Bonaparte, alla au Temple et découvrit un dauphin malnutri et une jeune Marie-Thérèse isolée… Il ordonna qu’on améliore leur ordinaire, sauvant ainsi leurs vies… pour peur de temps concernant le petit dauphin qui mourut en 1795. Sa sœur survécut, marquée à vie et devenue une icône pour les royalistes avant d’être échangée avec la cour de Vienne contre des conventionnels. Que rapporta cette tragédie à la Révolution ? On est en droit de poser la question. L’exécution de Louis XVI acheva certainement le processus de désacralisation de la royauté mais Napoléon rétablit une monarchie en 1804 et Louis XVIII s’empare du trône à sa défaite en 1814-1815.

Si les principes de la Révolution engendrèrent notre société, il y eut toujours un regret, un conflit entre les familles, une déchirure : pour Charles-Eloi Vial, la vie politique française est en partie issue du Temple et de sa tragédie. Le lecteur jugera.

 

Sylvain Bonnet

Charles-Eloi Vial, La Famille royale au temple, Perrin, août 2018, 448 pages, 25 euros

Une réflexion sur “La famille royale au temple, une tragédie nationale

Laisser un commentaire