La Main cachée, le complotisme durant la Révolution française

Un spécialiste du XVIIIe siècle

On a connu Edmond Dziembowski, ancien professeur à l’université de Bourgogne-France-Comté, avec des ouvrages très réussis comme Les Pitt, L’Angleterre face à la France (Perrin, 2006), La guerre de sept ans (Perrin, 2005), Le siècle des Révolutions (Perrin, 2019). Il revient ici avec La Main Cachée où il analyse comment la Révolution a nourri le complotisme.

Le complotisme pendant la Révolution

Eh oui ! un lecteur contemporain va donc découvrir que le phénomène conspirationniste est ancien et ne date pas d’internet et des réseaux sociaux. L’évènement extraordinaire de la Révolution qui commence en 1789 et met à bat une société entière a provoqué chez beaucoup l’envie de voir ce qui se cachait : quelles en étaient les vraies causes, qui étaient les instigateurs ? Une attitude d’ailleurs largement partagée, qu’on soit révolutionnaire et contre-révolutionnaire. Edmond Dziembowski a lu et analysé les ouvrages parus dans la décennie 1790, comme celui de l’abbé Barruel. Et le résultat est saisissant.

Les boucs émissaires, toujours

On a cherché donc des responsables. Tour à tour défilent les francs-maçons, les protestants (à cause de Jacques Necker ou d’hommes comme Barnave), les philosophes bien sûr mais aussi le gouvernement anglais du fameux Pitt (déclaré par la Convention « ennemi du genre humain »). Et n’oublions pas le duc d’Orléans et sa « faction ». C’est cette liste de boucs émissaires qui revient encore une fois des deux côtés. Pourquoi ?

Un imaginaire politique trouble

Avec brio, Edmond Dziembowski nous emmène à la découverte de l’imaginaire politique de la société d’Ancien Régime. Voici un monde largement agraire, vivant dans l’angoisse d’une disette et on sait bien que les années 1780 sont marquées par de mauvaises récoltes (l’inaction du Roi, le père de la nation, est ici terrible) : et si l’Angleterre achetait du grain et le dissimulait ? Ou le duc d’Orléans ? Ou… Le soupçon est déjà culpabilité ici, cela explique la grande peur, les lynchages et peut-être aussi les massacres de septembre 1792. Cette « Main cachée » peinte par l’auteur, on la retrouvait déjà dans l’Angleterre de la fin du XVIIe siècle et sa crainte d’un complot papiste complètement fantasmé. Nous sommes, au fond, peu différents de nos ancêtres.

La Main cachée est un excellent essai historique.

Sylvain Bonnet

Edmond Dziembowski, La main cachée, Perrin, février 2023, 368 pages, 24 euros

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