La messagère, un Canada étrange

Un auteur à découvrir

On ne connait pas encore Thomas Wharton, auteur canadien à qui on doit Un jardin de pierre (Alto, 2006) et Le champ de glace (Rivages, 2000), réédité cette année en Rivages/poche. La messagère paraît dans la nouvelle collection de Rivages consacré au fantastique et à l’anticipation, la bien nommée « Imaginaire ».

Hanté par la zone interdite

« Avant notre apparition, ce monde leur appartenait. Leurs vies sans annales se déroulaient dans l’urgence, chaque génération anonyme s’éteignant sans jamais avoir connu le poème sans fin de la persistance gravé dans leurs cellules. Plus d’une fois le feu, le gel, la sécheresse et la mort tombée du ciel décimèrent leurs rangs jusqu’au seuil du silence, mais ils survécurent, échappant de justesse au précipice et croissant de plus belle, emplissant les airs, les eaux, les terres… »

Voici l’histoire d’Alex. Il a grandi avec sa sœur Amérie dans une ville appelée Rivers Meadows, où leur père travaillait à la mine pour extraire un minerai très rare. Et toxique. L’endroit était plein de phénomènes bizarres, comme ce renard immobilisé dans l’air qu’Amérie voulait sauver… Suite à une explosion dans la mine, qui coûte la vie au père des deux enfants, ces phénomènes s’amplifient et la ville est évacuée. Des années plus tard, Amérie y retourne souvent pour explorer la zone, pleine de « décohérences » qui semblent déchirer le tissu même de la réalité. Et elle y disparaît, suscitant l’arrivée d’Alex qui veut la retrouver. Pendant ce temps, Claire, elle aussi survivante de River Meadows, arrive dans une grande île menacée par les flots et qui ressemble à…L’Atlantide. Elle accueille sur son balcon une grue, peut-être la dernière d’une espèce menacée. Et dans un lointain futur, un oiseau raconte l’arrivée… D’Amérie.

De l’étrange

La messagère étonne et surprend. Voici un roman qui lorgne un peu du côté de la série Twin Peaks de David Lynch, bifurque vers une sorte d’uchronie (une Atlantide moderne, rien que ça), teintée d’une sensibilité écologique avec ces oiseaux si proches de l’homme et qui meurent des excès de notre civilisation industrielle, ici vouée à disparaître. Et le lecteur s’y laisse prendre petit à petit, comme dans une valse lente mais sinueuse avec la femme de votre vie. La messagère est une réussite et laisse espérer beaucoup de l’œuvre de Thomas Wharton.

Sylvain Bonnet

Thomas Wharton, La messagère, traduit de l’anglais par Sophie Voillot, Rivages « Imaginaire », mai 2023, 416 pages, 23 euros

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