La petite sonneuse de cloches de Jérôme Attal


Retour à Chateaubriand

On croyait que notre mémorialiste national était un peu perdu de vue, mais pas du tout. Le voilà qui revient d’outre tombe sous la plume de Jérôme Attal. Pour une raison bien simple : c’est qu’il y a du nouveau. Le jeune chevalier aurait été, avant la lettre, adepte de ces « petites anglaises », fort appréciées aux siècles suivants. Et pas seulement par les Romantiques. 

Sous le titre improbable de La Petite sonneuse de cloches, Attal imagine son héros amoureux d’une jolie Violet, qui aide son père à sonner les cloches de Westminster. Victor Hugo entendait bien, lui, celles de Notre Dame de Paris, mais Chateaubriand étant exilé en Angleterre pour fuir les bourreaux de la Terreur, ce sont celles de Londres qui naturellement tintèrent à son oreille. Et voici que la jeune Violet le gratifia d’un baiser inattendu, derrière un pilier de la grande cathédrale. Souvenir inexprimable qui nourrit les 260 pages du livre… 

Mais un baiser après-tout, qu’est-ce ? Pour un cœur frémissant comme les vagues de la mer à Saint Malo, c’est une nouvelle vie qui s’éveille. Et pour celui qui n’est jamais qu’un migrant affamé parmi d’autres, que les Anglais appellent Chat O’Brian, les journées se résument à rechercher Violet, hélas perdue de vue après ce baiser magique….

Londres, fin du XVIIIe

Mais la vie quotidienne n’est pas facile dans les rues de Londres, obscurcies par les épais brouillards de la Tamise, à la fin du XVIIIe siècle, et cette quête de Violet entraine des scènes pittoresques. S’en suit un tableau assez réjouissant de la petite diaspora des émigrés français, où les comtesses désargentées font concurrence aux prostituées. Peu s’en faut que l’on y voit Atala prendre le thé avec le dernier Abencérage… Il est vrai que Chateaubriand ne les a pas encore rencontrés, et se contente pour l’heure d’une vie agitée, retracée ici avec beaucoup d’humour. 

De plus, Jérôme Attal corse intelligemment son récit, en envoyant à Londres un deuxième héros, Joachim Stockholm, contemporain celui-là, qui y part à la recherche des lieux, des traces, des écrits, susceptibles de le renseigner sur les frasques du grand écrivain. Et comme par hasard, Joachim tombe à son tour amoureux des jolis cheveux blonds d’une petite anglaise, plongée dans un manuscrit qui dit tout sur les sonneurs (et sonneuse) de cloches de Westminster…  Là, le roman historique à connotation littéraire, devient un roman policier à connotation judiciaire. 

C’est dire que l’auteur ne manque ni d’imagination, ni de talent, pour brosser cette fiction originale, et faire tintinnabuler aux oreilles du lecteur des cloches séduisantes. La gloire de Chateaubriand n’en souffrira pas, et celle d’Attal ne pourra que s’amplifier. 

Didier Ters

Jérôme Attal, La Petite sonneuse de cloches, Robert Laffont, septembre 2019, 260 pages, 19 eur 

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