Laurel et Hardy, la véritable histoire

Bien qu’ayant fait rire des générations entières, Stan Laurel et Oliver Hardy restent peu considérés en France. Au point que l’on ne trouve que de très rares ouvrages les concernant alors qu’ailleurs ils remplissent les étagères. « Un nombre ahurissant de livres — plus de cinquante ! – ont été publiés sur leur vie, leur carrière et les secrets de leur art, écrit Roland Lacourbe. Hormis Chaplin, aucune star de l’écran n’a jamais suscité pareil engouement. » À condition, bien entendu, d’oublier Marilyn Monroe qui restera la championne toute catégorie avec plus d’une centaine de titres à son actif (ou son passif) !

Rien en France, donc. Ou si peu. C’est dire si ce livre tombe à pic. Coïncidant (non ce n’est pas une coïncidence !) avec la sortie de Stan & Ollie, biopic joué par Steve Coogan et John C. Reilly qui peine à attirer le public.

Roland Lacourbe connait bien son sujet. Il a déjà consacré un livre aux deux comiques en 1975, l’a remanié en 1989 et le complète une nouvelle (et dernière ?) fois pour cette édition 2019. Or s’il est un historien que l’on ne risque pas de prendre en faute c’est bien lui. Il traque l’information jusque dans ses moindres détails, vérifie absolument tout et se révèle capable de trier entre les affabulations (notamment celles de Leo McCarey) et les vérités. Ça va loin, très loin. C’est précis, très précis.

Ce livre consacré à Laurel et Hardy n’a pas la prétention d’affirmer péremptoirement qu’ils avaient du génie comme Chaplin et Keaton réunis, et que leur œuvre est grosse de toute une philosophie à déchiffrer, souligne-t-il. Il aimerait simplement redonner à ces chers vieux amuseurs de notre enfance à tous la place qui leur revient au panthéon des vrais amuseurs. »

Et il y réussit pleinement. Car Laurel et Hardy ont été non seulement des amuseurs mais aussi des précurseurs. On peut affirmer sans trop se tromper que tous les duos comiques du cinéma leur doivent quelque chose et que les buddy movies, si chers aux Américains, leur sont redevables. Que dire, par exemple, du duo de La Chèvre, si ce n’est qu’il reprend — en les modernisant et les transformant — certains préceptes chers à Stan et Ollie ? 

La première partie de l’ouvrage, strictement biographique, rappelle le parcours de ces deux comiques… qui n’étaient pas forcément faits pour se rencontrer ! Leur association fut quasi fortuite et ne se construisit qu’au fil de plusieurs courts-métrages avant d’atteindre à la fois son rythme de croisière et la notoriété. Il est rappelé que si les deux acteurs possédaient un indéniable talent, Stan était le plus besogneux traquant le gag jusque dans ses ultimes recoins, à la manière d’un Chaplin. Pendant que « le gros » allait jouer au golf, « le maigre » se remettait à sa machine à écrire pour peaufiner les scènes à venir. Une mécanique de précision.

Roland Lacourbe en profite pour tordre le cou à certaines légendes comme la soi-disant animosité entre les deux comédiens. Certes, ils se fréquentaient peu hors tournage mais nourrissaient une sincère admiration l’un pour l’autre. 

Page après page, on suit leur ascension, on est confronté aux nombreux obstacles qu’ils ont dus surmonter, on note leur popularité quasi-mondiale et l’on regrette leur mise à l’écart, les années passant. Car leur « règne » fut relativement court (à peine une vingtaine d’années) mais ô combien marquant. La télévision sut prendre la suite du septième art en diffusant à foison leurs films, augmentant encore leur gloire mais non leur compte en banque (ils ne touchèrent jamais un centime sur ces multidiffusions dans le monde entier).

Ensuite Lacourbe s’attache à étudier la mécanique comique de Laurel et Hardy. Partie certes pertinente mais que je goûte moins. L’humour a-t-il besoin d’être décortiqué ? Ici aussi l’auteur s’attaque aux mauvaises conclusions et réfute les soupçons d’homosexualité unissant les deux personnages de fiction : « Si les deux comiques jouent donc sur les éléments équivoques de l’intrigue, il n’y faut voir qu’un simple ressort comique et non un hymne à l’homosexualité ». Dont acte. 

Le livre se prolonge par des extraits de (très rares) interviews donnés, séparément, par Laurel et Hardy ainsi que par extraits de leurs dialogues.

Enfin une filmographie incroyablement précise met en exergue la centaine de films qu’ils ont tournés (y compris Atoll K, réalisé en France !).

Il s’agit, donc, à la fois d’une biographie et d’un livre bilan qui permet de mieux apprécier l’œuvre de ce duo. Compte tenu du désert ambiant, un livre indispensable. D’autant plus qu’il est construit par un authentique professionnel ébloui par son sujet sans jamais en être aveuglé. 

Philippe Durant

Roland Lacourbe, Laurel et Hardy, la véritable histoire, L’Archipel, février 2019, 287 pages, 20 eur

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