Le pays disparu, une histoire enfouie de la RDA

Du Moyen-âge à la RDA

Agrégé en Histoire, Nicolas Offenstadt s’est d’abord fait connaître en travaillant sur le Moyen-Age. Ce que traduisent certaines de ses publications : Faire la paix au Moyen-Age (Odile Jacob, 2007) ou L’Espace public au Moyen-Age – débats autour de Jürgen Habermas, coécrit avec Patrick Boucheron (PUF, 2011). Cependant, ce sont ses publications autour de la Grande Guerre qui attirent l’attention. Notamment Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999) (Odile Jacob, 1999). Il a depuis commencé des recherches autour de la mémoire de la RDA, dont Le Pays disparu, publié d’abord chez Stock en 2018, constitue le premier jalon. Il a d’ailleurs publié depuis Urbex RDA chez Albin Michel. 

Une démarche originale 

La démarche de Nicolas Offenstadt est originale. Il ne nous livre pas une histoire de la RDA, disparue en 1989. Il se propose de partir à la recherche des traces qu’elle a laissées dans l’espace, la géographie et l’esprit des populations des landërs de l’est de l’Allemagne. Pour ce faire, il nous emmène dans un voyage dans des usines ou des entrepôts abandonnés, à la découverte des objets (médailles, dépliants touristiques) fabriqués par le régime et conservés par bien des anciens citoyens de la RDA, ces « ossis » tant moqués par la presse de l’ouest. Certains sont nostalgiques, beaucoup sont critiques du régime communiste, la majorité regrette cependant un pays où il y avait la sécurité de l’emploi et un vrai sens du collectif. Certains parlent avec des mots très durs de la réunification dont l’anniversaire vient d’être célébré et préfèrent utiliser les mots « annexion » ou « colonisation ». 

Un pays qui vit encore 

La RDA n’existe plus. Mais elle hante ses anciens habitants dont certains l’appellent encore leur Heimat. On est frappés de découvrir les efforts de la nouvelle Allemagne unifiée pour effacer ses traces tant architecturales que culturelles. On note aussi que beaucoup de rues ont été débaptisées, perdant des noms qui évoquaient pourtant des résistants au nazisme morts avant la création de la RDA comme Ernst Thälmann. C’est regrettable. On notera aussi ce discours d’un ancien militaire est-allemand vantant l’armée de la RDA, rappelant que, contrairement à la Bundeswehr, elle au moins ne recruta pas d’anciens nazis. Or c’est faux, la RDA en a aussi employé. On aurait aimé de la part de l’auteur qu’il le signale, qu’il critique ce discours. 

En tout cas, cet essai d’un nouveau genre encore peu connu du grand public mérite d’être lu et apprécié. C’est passionnant. On souhaite des ouvrages  de ce type sur la IIIe République ou l’Empire en France. 

Sylvain Bonnet 

Nicolas Offenstadt, Le Pays disparu – sur les traces de la RDA, Gallimard, « folio histoire », octobre 2019, 480 pages, 9 eur

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