Le siècle des As de Pierre Razoux ne manque pas d’atouts !

Le dernier ouvrage de Pierre Razoux, Le Siècle des As, est une somme rare et une autre Histoire de l’aviation.

illustration Cyril Nouvel

Parution du mois de mai chez Perrin, Le siècle des As par Pierre Razoux se veut, à raison, la somme ultime sur l’Histoire des têtes brûlées du 20ème siècle, les As de l’aviation !

Directeur de recherche à l’Inserm (Institut de Recherche stratégique de l’École Militaire), Pierre Razoux est un expert des conflits contemporains. Et plus particulièrement proche-orientaux, dont Tsahal et les guerres Israélo-arabes (La nouvelle Histoire de l’armée israélienne, Tempus, Perrin, 2008 ; La guerre des six jours, Economica, 2006). Mais également les conflits Irano-Irakiens (La guerre Iran-Irak 1980-1988, Tempus, Perrin, 2017).

Et c’est par ces biais, la stratégie militaire moderne, complétée par un gros apport d’archives, de statistiques et d’entretiens avec des pilotes que Pierre Razoux a construit sa recherche et Le siècle des As. Car, c’est bien avec l’arme technologique parfaite, la machine guerrière la plus emblématique de l’imaginaire militaire contemporain, que les changements tactiques ont évolués le plus vite dans les guerres du vingtième siècle.

Ainsi l’aviation et, a fortiori son fer de lance, l’avion de chasse, ses pilotes émérites les As, sont bien la force de frappe la plus symbolique de vitesse et d’effet de surprise. D’avantage tactique majeur, Graal militaire s’il en est !

Comme à Boojum, on aime passionnément l’Histoire, explorez avec nous cette magistrale étude !

Les pilotes, le ciel et le feu

Si la notion d’As n’apparaît, logiquement, qu’avec le premier conflit mondial, le mythe du casse-cou volant, de l’exploit aérien est déjà bien ancré dans l’imaginaire populaire et médiatique. Les Wright, Blériot et consors ont, précédemment, déjà porté au firmament la quête de l’exploit aérien. Le mythe d’Icare incarné !

le fameux Baron Rouge et son triplan

Mais à toute notion, il faut une première historique. Et c’est au courage d’Adolphe Bégoud en août 1915 que revient la première qualification d’As ! En effet, il est le premier à franchir le cap des cinq victoires. Car c’est ainsi. À partir de 14/18, n’est déclaré As que le pilote ayant atteint la barre fatidique des cinq victoires confirmées !

Et à ce jeu-là, les archives et les statistiques exhumées par Pierre Razoux sont effarantes ! Pas moins de 8000 pilotes ont atteint ce score ! Et nombre de faits battent en brèche nos certitudes. Relativisant les réflèxes patriotiques cocardiers, européens ou américains sur le sujet…

118 As allemands dépassèrent la barre de 94 victoires ! Reléguant les autres nationalités très loin derrière ! Mais là aussi la surprise est de taille pour les alliés…

Car c’est un finlandais, qui est le premier sur la liste des poursuivants ! Et issu de la chasse allemande de la WW2 qui plus est ! Ilmari Jutilainen obtint 94 victoires officielles et 32 officieuses ! Puis deux japonais, et encore un autre finlandais ensuite !

Mieux encore…Deux soviétiques possèdent le record de la guerre de Corée sur leur Mig 15. Et le fameux Baron Rouge Manfred Von Richthoffen avec son Fokker est bien le top pilote de 14/18 avec 80 victoires ! Il relègue René Fonck et son Spad, second, à 5 unités… Guynemer (11e) et Nungesser (19e), mythes volants de l’Armée de l’air, ne rentrant pas dans le top 10 !

Les combats aériens et les As

Mais, où Le siècle des As est encore plus bluffant c’est par son exhaustivité ! Pour la première fois vous verrez apparaître l’épopée des guerres mineures, dans l’Histoire de l’aviation en tout cas. Guerre d’Espagne et ses As républicains, franquistes et russes. Le conflit Japon/Chine ou les combats de Mandchourie montrent un palmarès des As nippons sur chasseurs Nakajima 47, pépite précédent le mythique A6M Zéro, proprement hallucinant (58 avions abattus pour Shinohara). Expérience qui leur apportera, avec la force de projection des porte-avions, l’avantage flagrant sur les pilotes US pas encore devenus Têtes Brûlées…

La fameuse série Les Têtes Brûlées de Stephen J. Cannell, Gregory Pappy Boyington et ses boys !

Alors, on apprendra aussi, dans cette somme fascinante, que c’est grâce à Roland Garros (oui, oui celui-là !) en 1913, que la mitrailleuse fit son apparition dans le nez des hélices des aéroplanes. Inaugurant ainsi le ballet des faucheurs de Marguerites dans les ciels de France. Ces arabesques terribles et sidérantes, déterminèrent et pour longtemps le mythe de l’As. Chevalier du ciel, forcément, fous du manche aussi !

Le Siècle des As : geste moderne

Si le dernier As officiel, qui date de 1988, est un pilote iranien volant sur F14 Tomcat (son 5e tableau de chasse est un Mig 29), l’Histoire des As est longue et incroyablement riche. Une véritable geste moderne de la tactique militaire. L’acmé de cette paradoxale beauté du combat, du mythe du guerrier. D’autant plus fort et puissant, quand il est en symbiose avec son arme.

Alors ? Résurgence quasi-mystique des légendes, du sacré, voire de la furie du combattant ? Même si Amok et Berserk planent en figures tutélaires, l’As et son imaginaire restent attachés aussi aux belles valeurs du défenseur.

Courage, endurance, ruse et sacrifice ! Faire face ! (1)

Il y a une limite à toutes choses, et il faut la dépasser !

Georges Guynemer, 1894-1917

Pas étonnant que Le siècle des As de Pierre Razoux vienne de remporter le prix Guynemer 2019 (2) au salon du Bourget !

Car pour moi, issu d’une lignée d’aviateurs de l’Armée de l’Air, de trois générations de calots bleus et de chemises ciels, je ne peux que m’incliner bien bas pour mieux regarder en l’air, et plus haut. Toujours !

Révérence et chapeau bas Monsieur Razoux !

Marc-Olivier Amblard

Pierre Razoux, Le siècle des As, Éditions Perrin, 462 pages, mai 2019.

(1) Faire face est la devise de l’Armée de l’Air et de l’École de l’Air de Salon de Provence.

(2) Le Prix Guynemer est destiné à couronner un ouvrage littéraire de langue française dont la lecture fait naître, dans l’esprit du public, un sentiment favorable à l’aviation civile ou militaire. Le prix Guynemer est attribué tous les deux ans, pendant la période du salon du Bourget.

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