L’empire de la paix, le projet européen de Napoléon

Un spécialiste de l’empire napoléonien

Professeur d’histoire contemporaine à Science Po Grenoble, Aurélien Lignereux s’intéresse particulièrement à l’étude du projet idéologique napoléonien et à sa mise en œuvre par l’administration. Il est ainsi l’auteur des Impériaux (Fayard, 2019) où il étudiait l’itinéraire des préfets de l’Empire à travers l’ancienne France et surtout les nouveaux départements de Belgique, de la rive gauche du Rhin et d’Italie. Avec L’empire de la paix, il approfondit sa réflexion avec une hypothèse à l’allure iconoclaste.

Un projet pacificateur ?

L’histoire des guerres napoléoniennes est si profondément ancrée dans notre culture qu’on a du mal au début à comprendre pourquoi notre historien avance son hypothèse : l’empire, c’est la paix ? Et via les réunions de territoires à la France ? Notre historien prend soin de replacer les agrandissements de Napoléon dans un double héritage, celui des rois (et Louis XIV en premier avec sa politique des « réunions ») et celui de la Révolution. Car c’est la Révolution qui a annexé, « réuni » Avignon, la Belgique, la Savoie (il faut lire les propos de l’abbé Grégoire) ou Mulhouse en recherchant le consentement des populations. Napoléon hérite de cet ensemble. Pacificateur, il le fut effectivement par certains aspects en apportant une administration moderne, des routes, des lois et des administrateurs dans une Europe où la culture et la langue française dominait (et on en est plus là aujourd’hui). Au début, ces administrateurs étaient issus exclusivement de l’ancienne France mais on voit apparaître savoyards, belges, piémontais. Ces néo-français l’étaient-ils vraiment ? Et qu’en était-il de l’adhésion des populations ?

Un projet viable ?

Il faut se garder de toute téléologie, l’histoire n’est pas écrite d’avance. L’empire napoléonien s’effondre en 1813 mais aurait pu prendre une autre trajectoire. Surtout, les nouveaux départements ne se révoltent pas ou peu en 1813-14, y compris sur la rive gauche du Rhin germanophone, au moment où l’Allemagne tout entière se soulève. On voit aussi un grand nombre de personnes issues de ces territoires (administrateurs, soldats, ingénieurs, banquiers, artistes) demander au régime de la Restauration d’être naturalisées après la défaite de la France. Le projet impérial, pas si fou que ça, avait quelques fondements.

Un ouvrage stimulant, passionnant sur cet empire français, le seul qui peut-être compta réellement.

Sylvain Bonnet

Aurélien Lignereux, L’empire de la paix, Passés composés, janvier 2023, 408 pages, 23 euros

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