Léon Tolstoï, Règles de vie

Tout le monde connaît l’œuvre impressionnante de l’écrivain Tolstoï. Les chefs-d’œuvre Guerre et paix et Anna Karénine ont marqué des générations de lecteurs, du moins celles qui ont pris le temps de s’immerger dans ces immenses romans-fleuves sur fond de Russie à l’impérialisme déclinant. Son journal intime, moins connu du grand public, est publié aujourd’hui dans une sélection de textes choisis par Rambert Nicolas, tous écrits avant que l’écrivain ne connaisse ses premiers succès littéraires. Ces Règles de vie, témoignent d’un homme toujours en quête de perfection, dans une objectivation de sa vie propre à conduire son âme à exprimer le meilleur d’elle-même. 

 « se débarrasser de la vanité qui m’étouffait »

Dans le journal, il n’y a qu’une idée essentielle, qui soit évidente, qu’un seul désir : se débarrasser de la vanité qui m’étouffait et empoisonnait toute jouissance, trouver les moyens de s’en défaire.

Le but de la rédaction de ces pages écrites par Tolstoï dès l’âge de 19 ans, revues et corrigées tout au long de sa vie, est, à l’instar des stoïciens, d’arriver à se dompter soi-même. La tenue régulière de ce journal et la mise en place de ces règles de vie, révèlent « sa volonté d’amender le monde en commençant par lui-même », en rendant compte de ses faiblesses pour mieux les redresser.

« Je cherche en tout un certain état d’esprit, un regard sur les choses, une manière de vivre que je ne sais ni trouver, ni définir. »

Fuyant une vie à bâton rompu, Tolstoï ne cesse, année après année, de revoir ses règles, de les améliorer à la lumière de l’expérience et de se livrer à un travail précis d’authenticité vis-à-vis de lui-même «J’ai commencé à faiblir quelque peu surtout parce qu’il m’a semblé que j’avais beau travailler sur moi-même, mais que de moi-même rien de bon pourtant ne sortait. », de sa conscience et surtout de Dieu qu’il met au dessus de tout. Clairvoyant et lucide, il analyse ses penchants naturels au jeu, à la lubricité et à la vanité, sans aucune complaisance, se traite durement afin d’éradiquer ses passions et ordonner son quotidien dans l’espoir de « faire advenir dans sa vie, un nouveau présent.» Un enseignement autodidacte, basé sur l’expérience et la remises en question. « Règle. Se souvenir qu’en toute chose c’est la patience qui est la première et l’unique condition dont dépend tout le succès, et que c’est la hâte qui nuit à toute affaire, la hâte qui-à moi- m’a causé bien du tort. »

« les imbéciles réussissent mieux dans le monde que les gens intelligents »

Il est plus aisé d’agir en se fondant sur des règles faciles, simples et cohérentes quoique inexactes, acceptées sans en faire l’analyse, plutôt que sur des règles qui peuvent être exactes, tout en étant toujours insuffisamment expliquées et unifiées. C’est pour cela que les imbéciles réussissent mieux dans le monde que les gens intelligents. 

Le sens de sa quête est celui de la perfection en tout, tant au niveau corporel, qu’émotionnel et religieux et il est intéressant d’en apprendre davantage sur l’intimité de ce monument littéraire. Le style est confessionnel, sans complaisance, et ces pages seront lues comme un exercice philosophique original et somme toute, très touchant de sincérité. Ces Règles de vie pourront certainement encourager les lecteurs dans leur cheminement vers une vie plus authentique, volontaire et habitée. 

Nathalie Hanin

Léon Tolstoï, Règles de vie, traduit du Russe et préfacé par Nicolas Rambert, Rivages « Petite Bibliothèque », mars 2024, 144 pages, 8,20 euros

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