Dans l’intimité des présidents américains : des hommes qui ne peuvent pas être ordinaires

Un historien des États-Unis

À l’origine professeur d’histoire, Thomas Snégaroff est devenu aussi journaliste et animateur sur France 5 avec l’émission En société. Cela ne l’a pas empêché de publier, en tant que spécialiste de l’histoire des États-Unis de nombreux ouvrages dont un Kennedy, une vie en clair-obscur (Armand Colin, 2013) ou Bill et Hillary Clinton, le mariage de l’amour et du pouvoir (Tallandier, 2014). Plus particulièrement, il s’est intéressé au rapport qu’entretiennent avec leur corps les présidents américains. Dans l’intimité des présidents américains revient sur cette question.

De l’image des présidents

Thomas Snégaroff ouvre son ouvrage avec Abraham Lincoln. Ce dernier fut le premier à comprendre le poids de l’image en se laissant pousser la barbe… sur le conseil d’une jeune fille, tellement il était maigre. Il laissa aussi prospérer de lui l’image d’un homme de la frontière, maniant la hache. Il serait donc le premier à s’être posé la question du rapport à son corps et à son image, une leçon que Theodore Roosevelt va appliquer : lui, l’intellectuel malingre, va s’ingénier à projeter une image de westerner viriliste, affrontant les espagnols avec ses Rough Riders à Cuba lors de la guerre de 1898, un exploit qui lui permet de devenir vice-président, puis président après l’assassinat de McKinley. Plus près de nous, Ronald Reagan excellera dans cet exercice en projetant une image de cow-boy serein (ancien acteur, il connaissait le métier), qui l’aidera à rebondir après chaque problème au point qu’on le surnommera le « président Teflon ». Trump, histrion new-yorkais, se situe dans cette lignée, les histoires de sexe en plus.

Le rapport au sexe et aux femmes… Et à la maladie

Il est inévitable d’aborder ce sujet dans un pays aux racines puritaines. Commençons par un Woodrow Wilson, malheureux avec sa femme, qui se remarie après son veuvage avec Edith Galt. Cette dernière, après l’AVC de son mari, finira par jouer un rôle politique jamais avoué… Si Harding (coureur de jupons) et Coolidge laissent peu de traces, Franklin Roosevelt se démarque. Atteint de polio, il cache son incapacité à ne pas marcher avec des prothèses et vend sa « résilience » physique aux électeurs. Et Roosevelt fut un grand président. On arrive à des cas plus complexes avec Kennedy, atteint de la maladie d’Addison (qu’on cache, impossible aujourd’hui) et séducteur frénétique, le tout mis sous le tapis par les médias la plupart des temps, tellement fascinés par son couple avec Jackie, il est vrai que leur charisme de stars de ciné aidait. On en arrive ensuite à Clinton et à ses histoires sexuelles, à son sexe incurvé (ouais…), Trump se situant un peu dans cette lignée. Des hommes plus calmes comme Gerald Ford (avec sa femme Betty montant sur la table de réunion) ou Jimmy Carter ont laissé moins de traces de ce point de vue. Les américains, en somme, souhaitent des successions de présidents très virils et de présidents plus apaisants.

Ouvrage détonnant qui éclaire un peu la culture politique américaine.

Sylvain Bonnet

Thomas Snégaroff, Dans l’intimité des présidents américians, Tallandioer, septembre 2024, 224 pages, 26,90 euros

Laisser un commentaire