Les maréchaux de Staline, les hommes qui battirent la Wehrmacht

Un duo rodé  

Jean Lopez s’est surtout fait connaître par ses ouvrages sur le front de l’est et dirige la revue Guerre et histoire, pour laquelle Lasha Otkhmezuri est conseiller de rédaction. Ce duo a déjà donné une biographie de Joukov (Perrin, 2013) et une histoire de l’opération Barbarossa absolument époustouflante (Passés composés, 2019). Ils reviennent ici avec Les maréchaux de Staline, une façon pour nous de connaître ces hommes choisis par les dirigeants bolcheviks (Staline au premier chef)  pour construire l’armée rouge.  

Portrait de groupe  

Ils furent dix-sept hommes à obtenir le titre de maréchal de l’Union soviétique sous Staline. Et certains tombèrent lors des grandes purges des années 30. La plupart ont  commencé leur carrière durant la guerre civile où Staline les repère et favorise leur carrière, parfois en les jouant contre son rival Trotski. Certains ont un passé à faire oublier, comme Malinovski et surtout Govorov qui a été membre de l’armée « blanche » de Koltchak.

Certains sont des communistes pur jus comme Vorochilov bien sûr et aussi Koniev. Ils sont marqués par les purges qui n’épargnent pas l’armée : Toukhatchevski, le grand propagandiste de l’art opératif qui fera la différence en 1943-44 face à la Wehrmarcht, est ainsi exécuté en 1937, idem pour Bliukher en 1938. Ils vivent donc dans la peur qu’un jour Staline leur fasse subir le même sort…  

Et ils battirent Hitler  

On résume souvent la victoire soviétique à une victoire du matériel, du nombre et du climat contre une Wehrmacht considérée comme la meilleure armée du monde à l’époque. Cette vision est en partie fausse et est née du témoignage des généraux allemands complaisamment colporté par les anglo-saxons durant la guerre froide. Or les soviétiques ont inventé l’art opératif, c’est-à-dire la bataille en profondeur, impliquant une mobilisation totale de l’économie. Ainsi, dès les années 30, il est acté sous l’impulsion de Toukhatchevski que les usines de tracteurs et d’automobiles soient conçues pour se reconvertir en urgence des chars. Staline tyrannise certes ses généraux mais sait aussi leur valeur. Il utilise Joukov et Koniev au maximum, jouant aussi de leur rivalité. Il sort aussi Rokossovski de prison en 1940 et lui confie des armées importantes. Il en fera même un ministre de la défense de la Pologne communiste. Tous ces maréchaux ont peur de lui, gardent en mémoire l’exécution du génial Toukhatchevski (que Joukov réhabilitera après la mort de Staline).

Mais ce sont leurs qualités militaires, et Joukov est le premier d’entre eux, qui expliquent aussi la déroute allemande. Et que dire de l’offensive d’août 1945 contre le Japon, tombée dans l’oubli à cause d’Hiroshima, qui détruit totalement l’armée japonaise stationnée en Mandchourie ?    

Les Maréchaux de Staline, bien documenté, écrit dans un style clair, est une belle occasion de revenir sur des hommes complètement oubliés en Occident mais toujours célébrés dans la Russie de Poutine.  

Sylvain Bonnet  

Jean Lopez & Lasha Otkhmezuri, Les Maréchaux de Staline, Perrin, janvier 2021, 600 pages, 25 eur

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