Les tirailleurs sénégalais, histoire de soldats
Docteur en histoire, Anthony Guyon a déjà consacré une thèse aux tirailleurs sénégalais. On peut donc considérer que l’ouvrage qu’il vient de faire paraître chez Perrin est une façon de prolonger sa thèse : il propose ici une histoire de ce corps de ses débuts à la fin, soit un siècle d’histoire. Pas mal pour des soldats coloniaux ignorés, voire méprisés.
Les nécessités de l’Empire
Présents au Sénégal depuis le XVIIe siècle, la France y dispose de comptoirs vivant du trafic d’esclaves. Mais il n’est plus question d’esclavage en 1857, il s’agit ici de disposer d’une force armée pour pacifier une colonie peu propice aux blancs à cause des maladies. Faidherbe est le premier à créer un bataillon de tirailleurs, en plein second Empire. La IIIe République constitue ensuite dans les années 1880-1890 le second empire colonial français. L’Afrique a besoin de troupes, on recrute donc de plus en plus de tirailleurs malgré les préjugés racistes. Des officiers, comme Mangin, vantent leurs qualités physiques et militaires, tandis que d’autres, comme Lyautey, estiment que la saison hivernale au Maroc, où ils sont employés avant 1914, ne leur réussit pas. Ils seront cependant employés en Europe durant la grande guerre avec un succès mitigé au début. Reste qu’ils sont braves. L’armée essaie en tout cas de leur garantir une alimentation spécifique et le respect de leurs coutumes.
Des parcours impressionnants
Certains de ces tirailleurs font souche en France, épousant des européennes. Leur emploi lors de l’occupation de l’Allemagne après 1918 horrifie les populations, travaillées de surcroit par la propagande de l’extrême-droite « völkisch » : cela explique en partie les massacres de 1940. On trouve dans leurs rangs des héros de la Résistance, comme Addi Bâ et on a même un compagnon de la Libération issu de leurs rangs (Georges Koudoukou). Soldats de l’Empire, la République les emploie à Sétif à 1945, en Syrie et bientôt en Indochine. Certains dirigeront même leurs pays respectifs une fois la décolonisation achevée. Il restera cependant une injustice : l’écart des pensions avec leurs homologues métropolitains. L’alignement sera effectué sur décision de Nicolas Sarkozy. Cet ouvrage leur rend hommage et permet, au-delà des clichés, de mieux les connaître.
Sylvain Bonnet
Anthony Guyon, Les tirailleurs sénégalais, Perrin, juin 2022, 380 pages, 22 euros