Barbès trilogie, pavane pour des malheureux

Un grand ancien 

Journaliste et critique de jazz, Marc Villard s’est construit depuis le milieu des        années 80 une solide réputation de styliste du roman noir. Barbès trilogie est un volume constitué de trois courts romans autour du personnage de Transom, éducateur de rue basé à Barbès, déjà publiés par ailleurs : Rebelles de la nuit (Série noire, 1987), La Porte de derrière (Série noire, 1993) et enfin Quand la ville mord (titre en hommage au classique du film noir Quand la ville dort de John Huston), publié chez Suite noire par Jean-Bernard Pouy. Une réédition qui, on va le voir, sent bien le monde d’aujourd’hui. 

Des putes, du crack, des flingues et de l’amour 

Transom marchait, le cœur à la casse, dans les rues naufragées. / Il marchait dans cette félicité mouvante, car il aimait la rue, la nuit, la foule dérisoire et sublime. Il aimantait volontiers son regard à ces yeux qui jaillissaient du néant, leur offrant le don fugitif de son visage sans illusion.  

Dans Rebelles de la nuit, Transom est plus ou moins mandaté pour mettre la main sur un jeune prostitué, Fred Ballestra, que son frère musicien veut revoir. Mais voilà, le jeune homme est tué et l’éducateur se sent responsable. Il va faire jouer ses relations dans le quartier pour retrouver les responsables du meurtre. L’éducateur finira par apprendre que c’est le frère de Fred qui l’a fait tuer : il fera justice. Quelques années et un séjour en taule plus tard, nous voici dans La Porte de derrière où Transom voit une de ses protégées, Farida, sombrer dans le désespoir après le départ de son petit copain. Et c’est parti pour une plongée dans la drogue et la violence dont même la police ne sera pas épargnée. Quand la ville mord voit l’histoire de la jeune congolaise Sara, artiste et prostituée, qui tue son mac après que celui-ci ait assassiné une de ses amies et collègues. Transom, à moitié clochard, pourra-t-il l’aider ? 

On reprend un verre et on (re)lit Villard 

Il en est de certains bons vins ou whiskys qui vieillissent bien. Et ce n’est pas faire injure à Marc Villard que de dire qu’il en est de même pour lui. D’emblée, soyons clair : son style fait tout, un peu comme Manchette (aargh, il déteste être comparé à lui). Le rythme de ses phrases emprunte au jazz qu’il adore (comme Manchette, décidément), celui d’Art Pepper et de Thelonius Monk. Ses histoires sont comme les airs de Somethin’Else de Cannonball Adderley, on se les repasse en souriant même si on a une larme à l’œil devant le sort de certaines de ses héroïnes, spécialement les femmes comme la belle Farida.

On relit Barbès trilogie en se disant que le nouveau monde était déjà contenu dans l’ancien. Et que, pour tenir, il faut avoir sous la main de bons romans noirs. A la tienne, Villard ! 

Sylvain Bonnet 

Marc Villard, Barbès trilogie, Gallimard, « Série noire », octobre 2019, 384 pages, 20 eur

Laisser un commentaire