Mes coureurs imaginaires : Olivier Haralambon sublime le vélo !

Second livre d’Olivier Haralambon sur le Vélo, Mes Coureurs Imaginaires, confirme son talent singulier.

Publié au catalogue de la jeune maison d’édition Premier Parallèle, Mes coureurs imaginaires, nouvel opus vélo d’Olivier Haralambon, confirme une chose : nous avons un nouveau styliste dans la littérature sportive !

J’entends d’ici les cris d’orfraie des contempteurs aux aguets, ces parangons de la prose académique ! Ne jurant que par les styles empesés des références classiques. Un lamento au verbiage aussi assommant que « l’homme au marteau » en haut des cols (entre guillemets les termes issus du lexique vélo en pied d’article).

Car oui, on peut écrire et faire littérature sur le sport ! Un sport populaire, populo même ! Et le vélo, comme la boxe, le rugby et j’en passe eurent leurs plumes. Et de bien belles, mazette ! J’en ai parlé ici dans un autre article sur une anthologie littéraire du cyclisme (si, si) et dans un autre sur sa prospective (si, si bis).

Un vrai peloton !

Zola, Verne, Courteline, Jules Renard, Tristan Bernard, Jarry, Allais et Leblanc dans un premier paquet. Antoine Blondin, Jacques Perret, Dino Buzzati, Louis Nucéra dans un second groupe. Paul Fournel, Éric Fottorino, Philippe Brunel, Bernard Chambaz, Pierre Naudin, François Salvaing, Bernard Pouy et Philippe Bordas dans le dernier gruppetto.

Excusez du peu mon bon !

Une course en 12 étapes : vélo, vidi, vici !

À l’approche de la grande boucle, du centenaire du maillot jaune (cf lien en pied) porté pour la première fois par le légendaire Eugène Christophe en 1919 — le cycliste forgeron -, plongeons alors notre nez dans le guidon de Mes coureurs imaginaires.

mai 2017

Car, à la différence de son premier texte le Coureur et son ombre, sorti il y deux ans, cette fois-ci Olivier Haralambon ne nous offre pas une nouvelle plongée quasi-poétique dans la beauté de l’effort cycliste. Les intelligences cachées de la course et du coursier. La vélosophie allègre et complice. Ses vertus élogieusement associées et consubstantielles de sa pratique. Liberté, endurance et épopée.

Cette fois-ci, c’est un retour sur terre, presque brutal parfois. Une crevaison lente, une gamelle, un soleil. Un coup de pompe en quelque sorte. Car le vélo procure tout autant post-partum et pente descendante. C’est pourquoi, ces douze portraits là disent plus, en creux, la geste cycliste qu’un texte amphigourique et ostentatoire. C’est que, le bougre, Olivier Haralambon a pratiqué à un bon niveau la sainte pratique vélociste. Passer des heures sur la selle. Ces célèbres minutes nécessaires de Monsieur Cyclopède, que Desproges repris à Courteline !

Apôtres et « Gregari » du vélo

De Jésus en jardinier à Antilopes, en passant par Le prodigue, Le reconverti ou Le dos à la fenêtre, les portraits sont comme les douze apôtres ou les stations vers le Golgotha — que Jarry décrira si bien dans un texte hilarant, iconoclaste et sacrilège pour certains culs-bénis (voir en pied d’article). La description subtile de l’après. L’apparition du calvaire doux amer de la reconversion, de la fin d’une époque. Ces moments où les temps de la compétition et des bouquets ont pris la poussière. Où les photos jaunissent derrière les zincs des cafés. Dans ses arrières-salles desquels, le coureur s’y changeait avant le critérium local. Ça sentait l’embrocation, le camphre et la sueur. Mais où on ne vous y reconnait plus que rarement.

Car chacun cherche à maîtriser quelque chose. Maintenir dans un dernier effort, de mémoire ou physique même, la fable du corps en pleine verve. Mais le panache est jaloux des compromis avec soi-même. Illusion réelle, comme cet ancien flandrien devenu VRP, placier en bibine, ou, artifice digital, comme ce coureur, adepte des réseaux sociaux, bercé par l’image donnée mais oublieux de lui-même.

Après la montée, chacun vivra sa descente, semblent nous dire les personnages à vélo, ou à côté de la selle, décrits par Oliver Haralambon dans Mes coureurs imaginaires. Car parfois, on avance dans la vie, comme on pédale sur la route, sans raison. Juste poussé par une envie de poursuivre, une dernière fois ce mouvement irrépressible. La lente translation du corps dans l’espace. Devenir soi. Une impermanence. Un cycle.

Au risque de « mettre la flèche ». De croiser « la sorcière aux dents vertes ».

Selle de la vie

Gino Bartali dit le pieux, juste parmi les nations

Alors oui, sans doute, on pourra aussi jouer aux portraits cachés dans les ascensions ou les descentes proposées par Oliver Haralambon. Un coureur mystique qui élève sa passion et sa carcasse sur des strade bianchi anciennes, vers une cime sacrée dans Jésus jardinier, fera voir un Gino Bartali. Un Gino le pieux, flouté mais reconnaissable. Une Jeannie fragile et superstitieuse aux pattes d’Antilopes, annonce l’immarcescible figure tutélaire de Madame Longo. Etc.

Mais l’essentiel est bien ailleurs. Dans la beauté iconique des photos en mode sépia ou en surbrillance qui nous sont dévoilées ici. Un style fait de ce toucher qui doit caresser les pédales pour être fort et puissant. Ici, on a la « socquette légère », on a les bonnes jambes pour ne pas « pédaler carré ».

Même s’il faut « se relever », parfois, le vélo, c’est comme la vie : il y a toujours un départ et une arrivée !

Un bouquet et des bises Monsieur Haralambon !

Sur la pente terminale où il s’envola – conformément à ce qu’il avait promis —, il n’avait rien donné à voir, rien d’autre que cette aisance un peu irréelle. L’oscillation de ses roues lorsqu’il se dressa sur ses jambes semblait laisser derrière elle une double trainée lumineuse, deux lignes s’enroulant comme un brin d’ADN.

Chapitre 10, Le spectre, p130

Marc Olivier Amblard

Olivier Haralambon, Mes coureurs imaginaires, Éditions Premier Parallèle, 156 pages, 16 eur

Le lexique du vélo à consulter pour goûter la substantifique moelle du jargon du peloton.

La Passion considérée commune course de côte par Alfred Jarry, pdf en open acess !

À noter un superbe Hors-Série du quotidien sportif L’Équipe sur les 100 ans du maillot jaune : Ils racontent leurs jours en jaune.

Entretien avec la Librairie Mollat, Bordeaux

Laisser un commentaire