De la guerre revient-on jamais? Carnets d’un appelé en Algérie

Enseignant en poste au Liban, en Tunisie, au Maroc, Michel Barré, spécialiste de l’Antiquité grecque, a aussi effectué des mises en scène au théâtre. Décédé en 2021, il a laissé derrière lui des carnets relatant son expérience d’appelé en Algérie, rédigés entre 2003 et 2009, publiés finalement en 2022 selon ses souhaits.

Retour sur soi

Quarante ans après, Michel Barré revient donc sur son expérience de la guerre d’Algérie. Il fut appelé à vingt ans, à l’âge où on étudie et où on profite de sa jeunesse, à faire son service militaire. Connu pour son opposition à cette guerre, l’armée l’envoie donc en lisière du Sahara à Lichana puis dans l’Aurès. Il faut se représenter ce que pouvait être de faire cette guerre pour un jeune homme qui y était viscéralement opposé. S’il ne change pas d’avis, Michel Barré ne se dérobe pas. Il ne cache pas le plaisir qu’il a à « crapahuter », voire à se battre. Il est aussi confronté à l’horreur quand son camarade Ali, un harki, est tué lors de son mariage, avec sa jeune épouse. Michel en est marqué à vie. D’ailleurs toute cette guerre le blesse. En même temps, il le dit, c’est sa « seconde naissance ».

Un pays qui émeut, le temps qui passe

Michel Barré est un traumatisé. Il ne parlera pas de l’Algérie à ses proches. Il lui faudra aller à Beyrouth en décembre 1975, au tout début de la guerre, pour avoir l’impression étrange de rentrer chez lui. Car l’Algérie, celle de 1961-62, celle de ses patrouilles, ce village où on lui offrait le thé, ces gens qu’il a croisé, ce sergent Maffi qu’on a désarmé en 1962 (et certainement assassiné par le FLN), c’est resté chez lui. Il raconte même avoir passé une soirée avec un commandant algérien de l’ALN et avoir éprouvé envers lui une vraie fraternité : ils avaient fait cette guerre, ils avaient sacrifié leur jeunesse, ils étaient de ce pays. C’est un livre étrange que ces carnets. Emouvant aussi pour tous ceux qui ont été marqués par l’Algérie.

Sylvain Bonnet

Michel Barré, De la guerre revient-on jamais ? Carnets d’un appelé en Algérie, Alpha, postface de Claudie Barré, juin 2024, 256 pages, 8 euros

Laisser un commentaire