Les Occupants, les américains au Japon après la seconde guerre mondiale

Professeur à l’INALCO, spécialiste du Japon, Michael Lucken s’était fait remarquer avec un livre passionnant, Le Japon grec, culture et possession (Gallimard, 2019) qui exposait comment le Japon s’était approprié la philosophie et la pensée grecque antique. Avec Les Occupants, paru en cette rentrée chez La Découverte, il revient sur la manière dont les Etats-Unis ont gouverné et réformé le Japon de 1945 à 1952.

Un projet aux racines anciennes

Quand le Japon capitule, on peut dire que les Américains ont préparé l’occupation qui va suivre. Des officiers ont été formés en ce sens, l’armée, le département d’état également, ainsi que la très influente fondation Rockefeller. Il s’agit pour eux de transformer la société japonaise en utilisant tous les leviers : institutions, arts, médias, recherche… et même un sport comme le Base-ball qui va devenir très populaire dans l’archipel. Lorsqu’ils partent en 1952 et rétrocèdent leur souveraineté au Japon devenu démocratique, avec une constitution qui au départ a été rédigée en anglais, peut-on dire qu’ils ont réussi ?

Un allié qui a gardé son autonomie

Les Américains, s’ils ont échoué à christianiser l’archipel (!), ont su transformer le Japon dans le sens qui leur convenait, s’appuyant aussi sur des parties de la population qui avaient été très rétives au tournant militariste et impérialiste des années trente. Nombre d’intellectuels japonais avaient été sensibles au pragmatisme américain et à la pensée d’un John Dewey notamment. Si le Japon est devenu un allié essentiel des Etats-Unis dans le Pacifique (et rappelons-le que le but américain était de faire du Pacifique leur « mare nostrum »), si le réseau des bases américaines n’a jusqu’ici n’a jamais été démantelé, force aussi est de constater que la société japonaise s’est servie de ce qu’elle a appris des Américains (l’esprit critique, le pluralisme, les droits de l’homme) pour les critiquer, par exemple au moment de la guerre du Vietnam. Une manière paradoxale de résister à l’américanisation. Cet essai est passionnant.

Sylvain Bonnet

Michael Lucken, Les Occupants, La Découverte, août 2025, 336 pages, 22 euros

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