Miles Davis, un génie

L’artiste qui nous manque

Monument du jazz et de la musique populaire, Miles Davis, décédé en 1991, n’avait pourtant rien de l’artiste condamné à être visité et admiré comme dans un musée. Davis, c’est un son unique, celui d’un trompettiste qui n’était pas virtuose, un aventurier de la musique qui a cherché sans cesse à être là où on ne l’attendait pas. Songez qu’il a commencé avec Charlie Parker et terminé avec un disque de rap (mauvais d’ailleurs). Entre les deux, que de chefs d’œuvres dont Milestones, A kind of blue ou Sketches of Spain avec des comparses comme l’immense John Coltrane ou le génial arrangeur Gil Evans. C’est cette vie unique qu’essaie de nous restituer Franck Medioni, journaliste et ancien collaborateur de Jazz magazine.

Une âme forgée au fer du racisme américain

La lecture de cette biographie permet de comprendre combien Miles Davis a été d’abord victime du racisme structurel de la société américaine. Issu de la classe moyenne noire, doué pour la musique, Davis a le soutien de sa famille pour se lancer dans le jazz. Il est cependant cantonné aux clubs noirs, confronté à la concurrence de musiciens blancs, comme Chet Baker ou Stan Getz, qui rendent le jazz grand public (ce qui n’est pas faux). En fait, l’homme qui aima Juliette Gréco a une revanche à prendre contre l’Amérique blanche. Il aime être en couverture de ses disques, conduire de belles Ferrari, aimer de belles filles blanches (et noires aussi). Mais l’Amérique le rappelle périodiquement à la couleur de sa peau : en août 1959, il est matraqué devant un club de jazz où il doit se produire par des flics qui ne peuvent imaginer qu’un noir conduise une Ferrari.

Cela peut aider à comprendre certains de ses propos ou déclarations, disons, parfois peu amènes envers les « blancs ». Il est pour autant conscient du pouvoir de sa musique, sans doute ravi par le fait que de nombreux jeunes blancs se passionnent pour sa musique. Une revanche ?

De l’art de rebondir

Miles Davis a un flair incroyable. Il sait s’entourer, choisir les bons musiciens, humer l’air du temps. Quel autre leader (c’est le bon terme) musical a été capable de s’entourer d’autant de talents et de les révéler à eux-mêmes : John Coltrane, Sonny Rollins, Herbie Hancock, Bill Evans, Keith Jarrett, Chick Corea, John McLaughlin, Tony Williams, John Scofield, Marcus Miller et la liste est longue… Davis  a aussi su trouver le son du silence, de l’espace entre les notes dans le sublime A kind of blue. Et puis le son de sa trompette invite à une nostalgie sublime. Face à une femme raciste en 1995 qui me soutenait l’imbécilité de la supposée race noire, j’ai rétorqué que seule la stupidité la plus crasse empêchait de reconnaître le génie d’un homme comme Miles Davis. Cette biographie de Franck Medioni est en tout cas l’occasion de revisiter son parcours.

Un dernier conseil : écoutez ses disques, vous ne le regretterez jamais !

Sylvain Bonnet

Franck Medioni, Miles Davis, Gallimard, mai 2022, 352 pages, 9,80 euros

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