Napoléon III la modernité inachevée : l’autre Bonaparte

Thierry Lentz, directeur de la fondation Napoléon et spécialiste du Premier Empire, a choisi ici de consacrer un livre à celui qui fut son successeur, son neveu Louis-Napoléon devenu Napoléon III en 1852. Ce n’est pas la première fois, rappelons qu’il publia en 1995 un Que-sais-je sur ce personnage. À cause du coup d’état de 1851 et de la défaite de 1870, Napoléon III est un mal-aimé de l’historiographie française : ce bel ouvrage de la collection « Bibliothèque des histoires » le réévalue, soyons clairs.

Un aventurier

Mais d’abord quelle vie ! le dernier fils d’Hortense de Beauharnais et de Louis Bonaparte, couple très mal assorti, a d’abord grandi en prince, puis a connu l’exil au pays de Bade. Il choisit à la mort du duc de Reichstadt de devenir un conspirateur, suscitant l’agacement de ses oncles. Le voici carbonaro en Italie, puis tentant un coup à Strasbourg puis à Boulogne. Accompagné d’amis fidèles comme Persigny, Louis-Napoléon croit en sa bonne étoile. Enfermé au fort de Ham, il finit par s’évader. La révolution de 1848 est sa chance. On le prend pour un crétin comme disait Thiers, il est de surcroit mauvais orateur. Le voilà député, puis élu président de la République en décembre 1848. Très vite, il montre qu’il n’est pas manipulable. Il monte des gouvernements, entend exercer ses prérogatives, se rapproche de son demi-frère Morny.

Le dernier souverain français

Après la réussite d’un coup d’état, dont il regrette les morts, qui lui assure les pleins pouvoirs, il rétablit l’Empire et devient empereur. Thierry Lentz démontre avec brio la réussite économique du règne, avec l’industrialisation de la France et le développement bancaire par exemple. Il tenta aussi quelques ouvertures sociales, autorisa les syndicats avec l’autorisation du droit de coalition. La politique étrangère fut son grand dessein. Il réussit un coup de maître avec la guerre de Crimée, victoire à l’arrachée (avec les Anglais) contre la Russie et fait de la France au moment du congrès de Paris l’arbitre de l’Europe. La guerre contre l’Autriche en 1859 est déjà plus aventureuse, terminée plus vite que prévue mais permet au final la création de l’Italie l’année suivante et l’acquisition de Nice et de la Savoie.

La décennie 1860 voit l’expédition du Mexique, un échec (mais qu’allait-il faire là-bas ?) et surtout la montée des tensions avec la Prusse. Napoléon III est de surcroit de plus en plus malade de la vessie. En 1866, il se fait berner par Bismarck qui révèle sa politique des « pourboires » et lui aliène l’Angleterre et la Belgique. Alors qu’il réussit à libéraliser son régime (jusqu’où serait-il allé ?), Napoléon III se laisse embarquer à l’été 1870 dans la guerre contre la Prusse : c’est un désastre dont les conséquences géopolitiques seront durables. Il perd son trône et meurt en exil en janvier 1873.

Les réussites économiques de son règne, les aspects modernes de son action soulignées en leur temps par Philippe Séguin et Éric Anceau, ne doivent pas être oubliés. Ce bel ouvrage les peint avec justesse.

Sylvain Bonnet

Thierry Lentz, Napoléon III la modernité inachevée, Perrin « bibliothèque des histoires », octobre 2022, 256 pages, 25 euros

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