Une histoire de France, le creuset français
Une intellectuelle de renom
Sociologue de formation, Nathalie Heinich a signé de nombreux ouvrages particulièrement dans le domaine de la sociologie de l’art ou l’identité féminine. Récemment, elle s’est faite remarquée avec Ce que n’est pas l’identité (Gallimard, 2018), un essai sur un sujet ô combien brûlant. En 2018 elle avait publié Aux impressions nouvelles une histoire de France, un ouvrage d’un autre genre où elle revient sur son histoire familiale. C’est aussi pour elle une occasion de revisiter l’histoire de France par un biais très personnel.
Une famille française
Du côté paternel, Nathalie Heinich retrace l’histoire de ses ancêtres, juifs venus de l’Empire Russe et fuyant les pogroms. Ils passent d’abord en Algérie puis arrivent à Marseille. Pour eux, on peut parler de « rêve français » ou « heureux comme un juif en France » : ils s’enrichissent même en se lançant dans l’industrie de la casquette. Puis vient la guerre qui les frappe durement avec des déportations. Mais la famille survit. Du côté maternel, l’auteure raconte l’histoire d’une famille protestante alsacienne, une autre minorité donc qui a choisi la France en 1870. Et puis vient le mariage des parents, un couple qui se révèlera vite mal assorti, et la naissance de la petite Nathalie.
L’auteure s’est donc livré à un travail généalogique, laissant cependant des « blancs », car elle sait qu’il y aura des choses qu’elle ignorera toujours sur ses ancêtres, y compris leurs visages.
Un essai d’Ego-histoire
L’ouvrage mêle une histoire personnelle et familiale aux grands soubresauts de l’histoire et des changements sociaux. Prenons les femmes par exemple : les ancêtres de Nathalie Heinich font souvent des mariages arrangés, sans amour, avec comme mission de mettre au monde de nombreux enfants. Avec le passage du temps, elles deviennent peu à peu maîtresses de leur fécondité, trompent parfois leurs maris et surtout n’hésitent plus à divorcer.
On voit aussi à l’œuvre le creuset français qui, malgré la Shoah, amalgame les descendants d’immigrés juifs ukrainiens et des protestants au sein d’une même famille (ce genre d’alliances a été beaucoup plus fréquent qu’on ne peut l’imaginer, y compris au sein de la haute société): mais est-ce que cela fonctionne encore ?
En tout cas, une histoire de France est une histoire très française. Émouvant et à découvrir.
Sylvain Bonnet
Nathalie Heinich, Une histoire de France, Flammarion, « champs », janvier 2020, 237 pages, 8 eur