Au long des jours, quand Nathalie Rheims et Mouloudji…

C’était un secret qu’elle avait gardé très précieusement, et qu’elle dévoile dans le cadre du long récit autobiographique qu’est son œuvre littéraire. A peine âgée de dix-huit ans, Nathalie Rheims s’est éprise de Mouloudji, de loin son aîné. C’est cette relation, et cette période de sa vie, qu’elle relate dans Au long des jours, empruntant son titre à une belle chanson de Mouloudji.

de l’amour du théâtre

Nathalie Rheims a vécu auprès de son père, le légendaire commissaire priseur Maurice Rheims. La fin de son adolescence a été orientée par un seul précepte : liberté et exigence personnelle. Fort de cela, elle délaisse les études après avoir intégré à 15 ans, un record, le Centre d’art dramatique de la rue Blanche (aujourd’hui ENSATT, L’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre). Commence alors pour elle une période flamboyante, où elle sera chaperonnée par Roger Hanin et jouera avec l’immense Maria Casares.

Et c’est grâce au théâtre qu’elle va rencontrer Mouloudji.

1977. Leur rencontre est une histoire banale, une comédienne a besoin d’un chaperon parce que son rendez-vous sera accompagné d’un ami. Cet ami, c’est Mouloudji. Il lui dit qu’il a beaucoup aimé le spectacle et qu’il a été ému et impressionné par sa présence. Avec son sourire si charmant. Il se reverront, il l’a invité à son concert. Ils marcheront toute une nuit dans les rues de Paris. S’embrasseront.

elle venait d’avoir dix-huit ans…

Marcel Mouloudji (1922-1994) est un acteur, romancier et chanteur. C’est le jeune chantre de la classe ouvrière, de l’après-guerre existentialiste et l’auteur de plusieurs chansons cultes, Un jour tu verras, Comme un p’tit Coquelicot... Il sera l’ami de Sartre, Beauvoir, Prévert, Vian… Un homme au physique simple, à la voix cherotante, à la présence réconfortante.

Tout est simple, évident, beau. Il n’y a plus de différence d’âge, ni de notoriété, il n’y a que deux amants pris dans une relation d’une incroyable douceur. Et d’une grande sincérité, Mouloudji lui avouant immédiatement qu’il est marié et qu’il aime les femmes.

Ce sera pas son premier amant, puisqu’elle signalera quelques aventures, mais c’est le premier homme avec lequel elle passera une nuit complète. Dans les bras duquel elle se réveillera. Moment particulier oh combien.

« Alors comme ça tu aimes les vieux ? »

Avec la liberté qui la caractérise, Nathalie Rheims donne dans ces pages de souvenir une belle leçon d’amour. Et le portrait tout en nuance de son amant. Un an d’une relation où il faut se débrouiller pour se retrouver, pour s’aimer. Elle savait d’entrée que cette histoire était destinée à ne pas durer, elle en profite en gardant en tête cette fin inéluctable, comme une parenthèse enchantée qui la construira pour ses relations futures.

Sachant ce qu’elle entreprend, et ses difficultés, elle est séduite par le sourire de cet homme, sa maturité, son expérience. Comme souvent dans sa vie elle a un amant plus âgé. Jamais comme substitut du père, cette rencontre reconstruite dans les souvenirs de Nathalie Rheims .

Après ce récit intime, dans lequel elle utilise les textes de ses chansons pour tracer, en filigrane, la douceur de leur histoire, il conviendra de réécrire certaines lignes dans la biographie de Mouloudji. Pour y ajouter cette histoire d’amour qui va, gaiment, à l’encontre des témoignages contemporains comme Le Consentement de Vanessa Springora. Elle était mineure, avait elle-même déjà rencontré Gabriel Matzneff…, et elle a une relation avec un homme beaucoup plus vieux (de trente-sept ans son aîné !) mais elle s’en éblouit encore longtemps après. Et Au long des jours est l’histoire de ce plus que consentement.

Loic Di Stefano

Nathalie Rheims, Au long des jours, Editions Léo Scheer, janvier 2023, 172 pages, 17 euros

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