Boum boum boum, polyphonie contre l’exclusion

Scénariste Argentin, Nicolàs Giacobone est connu pour des succès comme Birdman (2014). Egalement romancier, il publie Boum boum boum après le très remarqué Cahiers clandestins (2019). Le titre est polysémique : le roman est certes explosif, mais comme Holi, la fête des couleurs en Inde, où tout se mélange pour célébrer la victoire du Bien sur le Mal. Serait-ce le cas ici ?

un roman polyphonique

Boum, boum, boum a une forme particulière (1). Chaque personnage prend la parole à son tour, et le lecteur reconstruit l’histoire à travers cette diversité de points de vue. Il y a Juan, artiste qui rêve d’Amérique, et sa femme Augustina, actrice qui n’est pas en harmonie avec son corps. Veronica écrit pour l’argent des séries sans rapport avec son talent. Matthew qui laisse ses pulsions le contrôler. Paula, écrivain génial et torturé. Elle vit recluse, se consacre à l’écriture dans un brouhaha pulsé par des sons de basse, surpuissants, qui sont comme autant d’explosion. Boum. Boum. Boum. Entre Buenos Aires et New York, le roman relie ces fils improbables et construit une intrigue dont le final ne manquera ni de surprendre ni d’enthousiasmer le lecteur.

C’est une histoire de vies cabossées, confrontées à la nécessité de survivre dans un monde qui exclut leurs talents particuliers, leur âme, pour n’accepter que le médiocre. C’est une histoire de vies qui vont se rencontrer, se séparer, puis se rencontrer de nouveau.

Contre leș préjugés

On aura compris que le point commun entre tous ces personnages, c’est le regard des autres. Les préjugés qui écrasent. Augustina concentre toutes les haines anti-LGBTI parce qu’elle ne correspond pas aux normes, et que sa liberté dérange. Que subit-elle ? Comment y réagit-elle ? Et comment s’organise la vie autour d’elle et des siens pour continuer à exister malgré cette volonté manifeste — ou simplement crétine — de vouloir la néantiser en lui imposant une norme qui la heurte ? Tout l’art de Nicolàs Giacobone est de nous faire ressentir sa souffrance psychologique, sans trop en faire, par touches d’une grande sensibilité. Ce qui n’ôte rien à la violence contenue dans son récit.

Et autour d’elle, dans une série d’échanges entre chacun des personnages, ainsi que leur récit personnel, se crée un monde en lutte contre l’exclusion du genre humain…

Boum, boum, boum est un roman sociétal et dur, mais qui laisse pour morale une vérité fondamentale : que chacun puisse dans son intimité vivre à sa façon, être qui il est. C’est un roman pour la tolérance, mais qui n’est pas lénifiant, il choisit au contraire de montrer ce que peut subir comme véritable agression une personne attaquée pour ce qu’elle est, dans son identité propre.

Loïc Di Stefano

Nicolàs Giacobone, Boum, boum, boum, traduit de l’espagnol (Argentine) par Margot Nguyen Béraud, Sonatine, novembre 2022, 277 pages, 21 euros

(1) Qu’on retrouve par exemple dans Cris de Laurent Gaudé.

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