Les guerres de Religion : une crise européenne ?

De la France à l’Europe

Nicolas Le Roux, professeur d’histoire du XVIe siècle à Sorbonne Université, auteur d’Un régicide au nom de Dieu, l’assassinat d’Henri III (Gallimard, 2017) et plus récemment de Portraits d’un royaume : Henri III, la noblesse et la Ligue (Passés composés, 2023), a coordonné un ouvrage collectif sur les guerres de religion en partant d’une idée simple : élargir la focale à l’échelle européenne. Et pourquoi pas ? Surtout que ce conflit très français a vu l’intervention de puissances étrangères (Espagne mais aussi Angleterre) ainsi que le recrutement de nombreux mercenaires, surtout allemands et italiens.

Une problématique européenne

C’est une approche pertinente, surtout que la France n’est pas la seule à connaître des « troubles » (expression de l’époque) dû à des conflits religieux. Olivier Spina démontre que l’expérience anglaise fut plus agitée qu’on ne l’a longtemps crue et que les masses populaires hésitèrent, attachés non seulement aux formes catholiques mais aussi à des façons de vivre qui imposèrent aux différents défenseurs de la Réforme un certain doigté. Aux Pays-Bas, c’est carrément une guerre qui commence : Thierry Allain retrace comment un conflit à la fois « féodal » et religieux dégénère en affrontement religieux et aussi en une révolte contre un suzerain espagnol légitime mais qualifié de « tyrannique ». La naissance des Pays-Bas contemporains, basée sur le calvinisme tout en « tolérant » les autres cultes, est né de cela.

L’enjeu français

Élargir la focale permet aussi de mieux comprendre les enjeux français. La papauté, anti-protestante, a aussi à cœur la volonté de ménager Henri III, puis Henri IV, dans un souci d’équilibre vis-à-vis d’une puissance espagnole écrasante. Philippe II, après avoir ménagé longtemps l’Angleterre, lança deux armadas pour y débarquer, deux échecs. Il soutint la Ligue en France et essaya d’imposer une infante sur le trône de France (et il y avait d’autres candidats dont le duc de Savoie, descendant de François Ier) au nom du principe de catholicité. Encore des échecs. Ce volume permet de voir combien Henri IV, qui décida d’abjurer son protestantisme, sut en fin politique (aidé de Sully et d’autres) établir sa légitimité de roi de France aux yeux des puissances européennes. Il eut aussi de la chance et bénéficia de l’épuisement des belligérants pour imposer la paix de Vervins à l’Espagne et l’édit de Nantes.

Excellentes études en tout cas.

Sylvain Bonnet

Nicolas Le Roux (sous la direction de), Les guerres de Religion, septembre 2023, Passés composés, 400 pages, 25 euros

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