Ophélie Cohen, je ne suis pas Héloïse, entretien

Passer de critique littéraire à auteur est un challenge. Si on a eu la dent dure avec ses contemporains, il y a fort à parier que la pareille sera rendue. Même quand on anime un blog et que l’on fait avec son cœur, sur son temps libre, par passion. Mais voilà, Ophélie Cohen est d’abord connue et appréciée pour sa passion des livres et ce qu’elle y met de positif. Nulle charge gratuite, et toujours cette envie de partager qui en a fait une figure marquante du petit paysage de la blogosphère littéraire française. Alors la bienveillance à son endroit est de mise quand elle publie son premier roman, Héloïse, chez IFS dans la collection qui monte dans le petit milieu du polar, « Phénix noir ». Bienveillance ? Aucune, car elle n’en a aucun besoin : cette histoire très sombre d’une vie hantée par le mal est portée par une belle écriture, et surtout étonne au regard de la personnalité de son auteur. Une occasion donc de s’entretenir avec elle.

© Ophélie Cohen

Entretien

Vous publiez un roman noir très intimiste, comment avez-vous conçu ce projet ? Quelles ont été vos sources d’inspiration ? Et surtout, quel a été le déclencheur pour sauter le pas ?  


Il n’y a pas eu de conception de projet. L’histoire d’Héloïse c’est d’abord une histoire d’amitié et de confiance, ensuite de l’instinct et surtout, aucune contrainte.

Je discutais écriture et chroniques avec un ami, lui-même auteur, lorsqu’il m’a demandé si j’écrivais autre chose que mes retours de lecture. Je lui ai dit que j’avais un bout de nouvelle qui trainait dans l’ordinateur. Un texte qui n’était pas abouti parce que je n’avais pas les codes, pas la méthode non plus et surtout je crois que je ne me sentais pas capable d’aller au-délà. Il m’a demandé de le lui envoyer, ce que j’ai fait, et après lecture, il m’a poussée à continuer. Nous avons passé des heures au téléphone, il me bousculait quand je voulais abandonner. Je crois qu’il y a toujours cru plus que moi. Et sans lui, Héloïse n’existerait pas.  A chaque fin de chapitre, nous débriefions. Et à chaque fois qu’il me demandait « c’est quoi la suite ? », je répondais « je ne sais pas ».

Héloïse, je l’ai écrit à l’instinct. C’est elle qui a choisi son histoire, pas moi. Elle a tracé son chemin, je n’ai fait que le mettre en mots. Mon ami ne m’a imposé aucune autre contrainte que celle d’être moi. Libre d’écrire avec mes fulgurances. Il me conseillait sur certains aspects et notamment les dialogues, qui sont la partie la plus « casse gueule » d’un roman, mais toujours en respectant mon identité de plume.Voilà pour la conception et le passage de lecteur à auteur.Mes sources d’inspirations… Il n’ y en a qu’une : LA VIE.

Des parcours que j’ai croisé lorsque j’exerçais à la brigade de mineurs, des expériences personnelles, les informations… Si l’on prend le temps d’observer le monde et de l’écouter, il a plein de choses à nous raconter.

Vous semblez être une femme heureuse et souriante, alors qu’il n’y a pas de rédemption possible dans votre histoire. Quelle part d’Héloïse est la vôtre propre ?

Je suis effectivement heureuse et souriante. Contrairement à Héloïse, j’ai eu une enfance pleine d’amour, de joie, de bonheurs de toutes sortes. Mais, comme tout le monde, j’ai traversé des moments plus difficiles. Je pense que j’ai pu exprimer une forme de révolte et de colère au travers de mon héroïne et de son côté sombre. Elle est sans doute, d’une certaine façon, mon côté obscur, même si nos douleurs n’ont pas les mêmes origines.

Héloïse est une femme malgré tout assez forte, pour tenir si longtemps sous la pression qu’elle affronte. Mais tout le mal du roman vient des hommes. Est-ce un roman féministe ?

Sans aucun doute ! Mais tout le mal ne vient pas des hommes… Ces principaux maux oui, mais certains personnages féminins ont un rôle à jouer dans son malheur et notamment par leurs silences ou l’absence de réaction. Héloïse aussi d’ailleurs construit son propre malheur…
Féministe je le suis mais avec discernement. Je ne suis pas pour une parité artificielle, juste pour la reconnaissance de chaque individu pour ce qu’il est. Une vision humaniste du féminisme. 

Vous avez commencé un deuxième roman. A quoi peut-on s’attendre ?

J’en ai commencé plusieurs 😉 Je voulais écrire un thriller, pour me prouver à moi-même que j’en étais capable, pour autant, je me sens trop enfermée dans les codes, le carcan d’un plan construit. Ça m’a totalement paralysée et je n’ai pas écrit pendant plusieurs mois. Je fonctionne à l’instinct, aux fulgurances et ce genre n’est pas fait pour moi, en tout cas, pour le moment. Je repars donc pour un roman noir… Mais il est trop tôt pour en dire plus.

Propos recueillis par Loïc Di Stefano

Ophélie Cohen, Héloïse, Phénix noir, octobre 2021, 344 pages, 15,95 eur

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