L’incroyable histoire des Grands Procès : quand la justice devient spectacle, mémoire et leçon de l’histoire
Imposant, ambitieux, foisonnant : L’incroyable histoire des Grands procès s’affirme comme une fresque où le barreau rencontre l’histoire. Des tribunaux sanguinolents du Moyen-âge aux salles d’audience contemporaine, ce livre invite le lecteur à entrer dans la salle d’audience, s’asseoir sur le banc du public puis entendre le claquement du marteau, la déposition des témoins, l’écho des plaidoiries et le silence après le verdict.
L’affaire en elle-même : l’Histoire toute entière

Ce ne sont pas quelques coupables ordinaires que nous trouvons dans cet ouvrage mais la Grande Histoire elle-même.
De Socrate à Mandela, de Jeanne d’Arc à Klaus Barbie, de l’affaire Calas à Charlie Hebdo, les procès, qui ont façonné nos valeurs, se succèdent dessinant la lente conquête de la justice et de la liberté.
Chaque chapitre, toujours très court, est une scène : la salle d’audience devient un théâtre où les protagonistes se succèdent. Les avocats plaident et le lecteur assiste, impuissant ou émerveillé, à la mécanique du droit.
Mais derrière chaque dossier, il y a bien plus qu’un crime : on y décèle un combat d’idées, une vision du monde. Ainsi, quand on juge Socrate, c’est la philosophie qu’on met en accusation. Quand on juge l’affaire Dreyfus, c’est la République qui chancelle. Quand on juge Klaus Barbie, c’est la mémoire de toute une nation qui tremble.
Les dessinateurs et la scénariste : l’instruction
A la plume dense de dense de maître Jane Salmon-Fabiani répond le dessin expressif de Philippe Bercovici, figure majeure du journal Spirou et maître du reportage graphique. Son trait nerveux, précis, souvent ironique, capte le geste de l’avocat, la crispation du témoin et la solennité du juge. On reconnait la patte du dessinateur de presse qui est habitué à saisir en quelques lignes la tension d’un instant.
Philippe Bercovici donne donc du souffle à ce livre. Là où les mots décrivent, le dessin fait ressentir. Il reconstitue les salles d’audience d’hier et d’aujourd’hui : du tribunal ecclésiastique de Rouen à celui de Nuremberg, du palais de justice de Paris à la cour pénale. Le lecteur passe donc d’une gravure médiévale à un croquis contemporain et comprend par les images que le procès est un rituel universel inchangé depuis des siècles : des hommes ou/et des femmes face à leurs actes et surtout face au regard des autres.
Le scénario de cette bande dessinée est tout aussi merveilleux que le dessin. La scénariste, avocate de profession, parvient à vulgariser sans appauvrir. Elle reconstitue donc chaque affaire avec précision mais surtout avec empathie et tension narrative.
Le verdict
Tout simplement, un ouvrage réussi !
A la lecture de ce livre, on ressort ébranlé et instruit. Il peut même y avoir un sentiment de révolte. La justice, rappelle maître Salmon-Fabiani, est un miroir sans complaisance des sociétés humaines. Et si certaines affaires paraissent lointaines, le récit les rapproche : les débats sur la liberté d’expression, la mémoire, la responsabilité politique résonnent étrangement avec notre époque.
Franck Dupire
Jane Salmon-Fabiani et Philippe Bercovici, L’incroyable histoire des Grands Procès, Les Arènes, novembre 2025, 397 pages, 26 euros
