Play it again, Sam ? Du remake de The Crow

Petites remarques sur les remakes cinématographiques

Les remakes sont presque aussi vieux que le cinéma et des réalisateurs tels que Frank Capra ou Alfred Hitchcock n’ont pas craint de se remaker eux-mêmes, mais il faudra qu’on se penche un jour sur les raisons pour lesquelles ce genre – si tant est que ce soit un genre – prolifère comme c’est le cas depuis trois décennies. Voici aujourd’hui encore un nouveau Superman. Franchement, qui peut sans hésiter dire combien il y a eu de Superman depuis le film de Richard Donner en 1978 ?

Peut-être ce désir de « réfection » est-il à mettre en rapport avec les préoccupations écologiques du moment et le souhait de redonner une nouvelle jeunesse à notre planète ? En tout cas, une chose est sûre : rien ne se prête mieux au remake que les films qui sont construits précisément autour de l’idée d’un nouveau départ, d’un recommencement. On se souvient qu’à la fin du Superman de Donner, l’Homme d’acier parvenait à ressusciter Lois Lane en faisant tourner la Terre en marche arrière et en remontant le temps. Autre sujet idéal, hanté par le désir de résurrection, The Crow. Là encore, une bande dessinée qui a engendré toute une franchise, comme on dit si mal, et qui n’est jamais qu’une version revue et légèrement corrigée du mythe d’Orphée et Eurydice, la différence étant qu’ici Orphée sait très vite qu’il ne pourra jamais être réuni à Eurydice, puisque, pour faire remonter celle-ci des Enfers, il faudra qu’il prenne sa place – ad mortem aeternam. En attendant, lui-même – au demeurant déjà mort dans une très large mesure – pourra profiter du sursis qui lui est accordé pour exterminer l’un après l’autre les assassins de sa belle, tous esclaves d’un maître qui, pour obtenir du Malin la vie éternelle, s’est engagé à offrir régulièrement à celui-ci on ne sait combien de victimes parfaitement innocentes.

Sorti au cinéma l’an dernier (et disponible en Blu-ray chez Metropolitan Filmexport), le dernier avatar de The Crow, dû à Rupert Sanders, entend être un reboot pur et simple de la franchise et, partant, un remake du film réalisé par Alex Proyas il y a trente ans et dont le tournage avait été marqué par la mort de son interprète principal, Brandon Lee. L’histoire reste forcément la même, mais la règle du jeu consiste évidemment à introduire des variations. Les plus notables sont au nombre de deux. La première, si l’on peut dire, part d’un bon sentiment, mais se retourne d’une certaine façon contre elle-même : pour justifier le désir de vengeance d’Eric Draven, notre héros, et justifier sa quête, on nous gratifie d’une exposition interminable, longue de quarante minutes, destinée à montrer l’intensité de la passion qui le lie à sa fiancée Shelly, mais cet étirement ne fait que provoquer un sentiment d’impatience chez le spectateur, qui sait bien que les choses sérieuses vont vraiment commencer avec la mort de Shelly.

L’autre innovation est dans le finale du film, nettement plus réussi. Le Méchant étant mélomane, l’élimination de tous ses sbires par Eric Draven a lieu pendant une représentation de Robert le Diable de Meyerbeer. Ce n’est évidemment pas la première fois qu’on nous offre au cinéma un montage en parallèle entre fiction et réalité – entre d’un côté ce qui se passe sur la scène et, de l’autre, des affrontements sanglants dans les couloirs ou les escaliers d’un opéra. Nous avons déjà vu cela dans Quantum of Solace et dans un Mission Impossible (Rogue Nation), entre autres. Mais ce finale est ici réalisé avec une telle maestria que, rien que pour ces vingt dernières minutes et nonobstant les commentaires ricanants de nombre des critiques, The Crow 2024 mérite d’être vu.

FAL

The Crow, réalisé par Rupert Sanders, avec Bill Skarsgard, FKA Twigs, Danny Huston

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