Que faire des cons ? vaste question posée par Maxime Rovere

Le con est un trou noir, il absorbe votre énergie au point que toute discussion logique est interdite. Rien ne se peut faire contre la puissance de son inertie. Maxime Rovère, confronté comme chacun à ce phénomène universel, se demande Que faire des cons ? dans un ouvrage de pop philosophie qui répond surtout à la question : comment survivre entouré de cons sans en devenir un soi-même.

Des cons, que peut-on faire ?

La force du con est sa capacité à nulle autre pareil à absorber les puissances de la logique, du savoir-vivre, de toute forme d’intelligence pour lui opposer son inertie sublime car elle nie tout et ne repose que sur sa seule puissance autosuffisante. L’irrationnel domine bien sûr la définition du con, car s’il untel l’est pour de bonnes raisons à vos yeux, vous pouvez l’être au siens pour les mêmes raisons !

Les premiers chapitres posent le devoir de l’homme d’esprit — le philosophe — d’appréhender la nature des cons et de tenter de le hisser hors de son essence. Il y a une manière de regarder le monde selon une exigence morale et la volonté de faire bénéficier aux cons d’un état supérieur. Ces chapitres sont les plus empiriques, et ceux où l’auteur, confronté aux risques de son combat élégant, n’est pas le dernier à rire de certaines situations dans lesquelles il s’enferre lui-même. Quand la bonne volonté se voit opposer un néant fier de lui… Les chapitres finaux, comme « Pourquoi les cons préfèrent détruisent », « Pourquoi les cons gouvernent », « Pourquoi les cons se multiplient », signalent qu’il est peut-être vain de tenter cet effort d’élever le con. Ainsi le parcours auquel nous convie Maxime Rovère, sa pensée en mouvement, finit-elle — mais n’est-il lui-même un émérite spinoziste — par se confronter au Conatus, règle essentielle de la philosophie de Spinoza qui dit que « chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être. » Si donc la nature du con est de l’être, s’opposer au plein épanouissement de sa connerie est une aventure en soi !

Alors que Lucien Jerphagnon étudiait dans son bel essai La Sottise (1) l’essence même de la sottise, manière de connerie polie, Maxime Rovère s’intéresse plus à la manière dont on y réagit qu’à son essence. C’est donc plus un manuel de résistance à l’inertie absolue qu’est le con dans son être même qu’une analyse philosophique de sa nature. Et force est d’admettre qu’un con polymorphe et intemporel se définit très mal…

Pour ne pas sombrer dans la guerre contre les cons, qui serait celle de tous contre tous, nous ne pouvons qu’osciller entre trois stratégies : négocier avec ceux qui le peuvent, faire évoluer aux qui se laissent faire, laisse être ceux qui s’y refusent. »

Que faire des cons ? inscrit Maxime Rovère dans la lignée des penseurs qui ont chercher a apprendre cet immense mystère. Mais si le texte souffre parfois d’un traitement un peu léger, il faut en apprécier le chemin et retenir comme important le dernier chapitre, « Pourquoi les cons gagnent toujours », qui est une vraie leçon de vie.

Loïc Di Stefano

Maxime Rovère, Que faire des cons ? pour ne pas en rester un soi-même, Flammarion, janvier 2019, 197 pages, 12 eur

(1) Albin Michel, 2010.

Laisser un commentaire