Hôtel des voyageurs de Sébastien Doubinsky

Comme un point kitsch clignotant au cœur de Paris, l’Hôtel des voyageurs, qui donne son titre au nouveau roman de Sébastien Doubinsky, va devenir le refuge, puis le point d’un nouveau départ, pour un personnage principal très attachant.

« Foutre le camp. Vite. »

Professeur d’anglais dans un collège, Cécile n’en peut plus, de tout. Des collègues, de l’ambiance, du système (« Je rabats la couverture par-dessus ma tête et j’emmerde l’Éducation nationale »). Seuls ses élèves vont lui manquer, un peu, car ils la faisaient rire. Mais elle décide de tout plaquer. Disparaître, dire merde à tout. D’abord s’enfoncer dans le secret de sa tristesse, dont le lecteur va découvrir la tenir petit à petit, et de solliciter un emploi vacant de réceptionniste dans un hôtel de seconde zone, tenu par un sosie de Johnny Halliday, dont l’annonce sur une affichette a retenu son attention. Elle sera logée sur place, dans une petite chambre qui l’oblige aussi à trier ses affaires. Tant qu’à refaire sa vie, autant voyager léger !

Il y a de la disparition volontaire dans la démarche de Cécile, qui va s’enfermer en recluse dans cet hôtel pour échapper à sa vie, à la vie même. Et c’est partant de ce point précis, en soi assez discordant, que de nouvelles lignes vont se tracer.

« Tout baigne. Dans les larmes, mais tout baigne. »

Bien vite elle va trouver sa place parmi les autres personnages faisant vivre ce lieu incongru. Yasmina, étudiante en mathématiques qui paie ses études en faisant le ménage ; Moïse, unique locataire à l’année, privilégié, haïtien bien énigmatique qui va être une âme précieuse, manière de grand frère réconfortant ; Johnny, nounours rocker bougon à souhait ; et les touristes, qui vont et viennent, et transportent un peu du monde dans le petit hôtel.

Des rencontres hors de l’hôtel, il y aura principalement celle de Céline, croisée dans un bar, qui va lui ouvrir les portes d’un nouveau monde, artistique et plus profond. Elle va comprendre le sens même de sa souffrance et du chemin qui s’ouvre à elle pour s’en libérer, par le réconfort de l’art — comme dans tous les musées qu’elle visite et où elle parle aux œuvres..

Hôtel des voyageurs est un court roman qui parvient à concentrer beaucoup de vie en peu de temps et d’espace. Une expérience de reconstruction de soi qui rencontre d’autres vies cabossées. Entre les chapitres assez courts s’intercalent les poèmes de Cécile, sorte de haïkus écrits pour comprendre et apaiser ses maux. Et Sébastien Doubinski noue également un lien entre cette étape dans la vie d’une femme — comme l’aurait titré Zweig — et un autre de ses romans, Mira Ceti, avec beaucoup d’intelligence, ce qui ajoute aux qualités premières de l’auteur (sensibilité, une dose non négligeable d’humour et de sarcasme). L’écriture accapare indéniablement. Hôtel des voyageurs est un roman qui imprègne.

Loïc DI Stefano

Sébastien Doubinsky, Hôtel des voyageurs, postface d’Antoni Casas Ros, Abstractions, avril 2025, 164 pages, 17,99 euros

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