Shingal, récit du génocide des Yézidis par l’Etat islamique

Protéger ses enfants est une priorité pour chaque père de famille. Protéger ses enfants c’est protéger son peuple. Et cela a plus de sens quand le peuple même est en danger d’extermination. Les Yézidis vivent au Shingal, et s’ils sont pacifistes leur pays est une zone géographique en proie aux affrontements incessants. Pour le scénariste, habitué à écrire sur le moyen Orient dans les quotidiens, c’est sa première incursion en roman graphique. La force du dessin de Mikkel Sommer en renforce le résultat. Et Shingal plonge le lecteur dans la vie d’un peuple martyr !

Un combat inégal

Daech peut débouler d’un instant à l’autre. Il faut que l’on essaie de mettre le canon en position… même si aucun de nous n’a jamais utilisé un engin pareil. 

Un combat n’est jamais perdu d’avance mais il faut se rendre à l’évidence, quitter son village pour s’isoler dans les montagnes pour mieux se défendre est l’unique issue. 

Le territoire des Yézidis est à la croisée des chemins en Irak proche de la Syrie et de la Turquie. Des territoires contestés où ce peuple vit depuis des millénaires. Et où il est persécuté de génération en génération. Ses écrits ancestraux ayant été brulés lors d’un précédent conflit, ils perpétuent leurs écritures saintes en revenant à une transmission orale. Et à chaque nouveau conflit, ils fuient dans leurs montagnes.

Les monts Shingal se dressent à l’extrémité de la plaine désertique irakienne. Le massif escarpé a, depuis toujours, servi de refuge à ceux qui connaissent ses sentiers tortueux.

C’est leur château fort, leur manière de se protéger et le lieu où repousser l’envahisseur. Cette fois-ci c’est l’Etat islamique qui les assaille et veut prendre le contrôle de leur territoire. Mais ce ne sont que quelques villageois avec de vieilles armes exceptés celles trouvées, abandonnées par d’autres armées qui auraient dû les protéger.

Génocide des Yézidis

Tout au long de l’histoire, nous, les Yézidis, avons été persécutés à soixante-treize reprises. Ce génocide constitue le soixante-quatorzième. 

Selon l’ONU, 50 000 personnes, pour moitié des enfants, sont sauvés grâce à un corridor sanitaire organisé conjointement par des miliciens. Cependant en traversant des zones sous contrôle de Daech, les civils ont été nombreux à y laisser la vie.

Shingal, roman graphique historique, que l’on pourrait qualifier d’authentique, nous fait ressentir les difficultés et la grande souffrance de ce peuple. Eux qui sont encore aujourd’hui pour la plupart dans des camps de réfugiés loin de leurs terres d’origine. Rien n’est occulté encore moins l’évocation des femmes devenues esclaves de l’Etat Islamique. Et les auteurs n’oublient pas d’apporter aussi une portée politique à leur récit, notamment en rappelant le rôle des Peshmergas qui abandonnent les Yézidis.

Shingal bénéficie d’un traitement graphique différent de certaines autres bandes dessinées consacrées à ce thème, comme Le Parfum d’Irak et son ambiance plutôt poétique. Ou encore récemment Falloujah et son style proche du reportage immergé en noir et blanc. Malgré la couleur utilisé par Sommer, c’est la tension et les drames mêmes qui s’expriment sous nos yeux. Un dessin qui peut paraitre enfantin mais qui est parfait pour mieux rendre désirable la lecture.

Xavier de la Verrie

Tore Rorbæk (scénariste), Mikkel Sommer (dessins) Shingal, La Boîte à Bulles, novembre 2020, 112 pages, 20 eur

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