Les derniers jours de Samuel Paty

16 octobre 2020. La France apprenait la décapitation de Samuel Paty. Son crime, aux yeux de son bourreau : avoir montré en classe les caricatures du prophète de l’Islam. Comment cela a-t-il été possible dans une République moderne qui surveille les intégristes ? Comment un tel crime a-t-il pu avoir lieu alors que tout l’avait prédit ? (1) Stéphane Simon, dans Les Derniers jours de Samuel Paty, montre ce qu’une enquête journaliste peut être. Et désigne les responsables.

Un héros de la République

Pour avoir été égorgé en pleine rue, Samuel Paty est devenu un martyre de la République. Mais, pour être cette cible, il devait être un symbole à abattre pour les islamistes, c’est-à-dire, pour nous, un héros. Un professeur d’Histoire, c’est-à-dire un héros de la République qui va contre la peur et la dora pour affirmer les valeurs qui forgent notre histoire. Seul, devant des élèves sur-influencés par les réseaux, par les parents, par la « mouvance islamiste » qui fait feu de tout bois et fonce dans chaque brèche pour imposer son autorité.

Et il a tenu. Après l’assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo, il a appliqué la lettre de son ministère et a utilisé les caricatures du prophète de l’Islam pour expliquer. Il a tenu, seul, quasiment, il a fait son travail. Il a défendu. Et il est mort pour cela.

« Un scandale d’état »

Stéphane Simon met à juste titre tous les acteurs de la « chaîne de commandement » face à leurs responsabilités dans la mort de Samuel Paty. Il les cite, il les accuse, il justifie de chacun de ses propos. Car il n’est pas mort par hasard, ni sans prévenir. Le récit qui est fait des jours d’avant glace, et on lit l’horreur se mettre en place. Non pas la tragédie, mot galvaudé par un mauvais usage qu’en font les journalistes, car une tragédie c’est un héros qui sait qu’il va perdre dans son combat contre des forces supérieures, et qui n’abandonne pas pour autant.

Dans l’assassinat de Samuel Paty, les forces auraient dû être de son côté. Elles l’ont abandonné. L’Education nationale a failli. Ses collègues, sauf un, qui lui est resté fidèle, ont failli en préférant l’immonde « pas de vague » au devoir. Sa hiérarchie a failli, en laissant pénétrer dans l’établissement un imam (merci la laïcité) et en qu’ils dorment en paix. La police a failli. La Justice a failli. La République a abandonné au tueur son plus fidèle serviteur. Tout le monde savait qu’il était en danger de mort, tout le monde connaissait les tensions autour de lui, sans savoir encore que l’origine était le mensonge d’une lycéenne à problème et la vindicte haineuse de son père, d’un imam, d’une communauté, d’une religion tout entière qui crie à l’islamophobie dès qu’on lui refuse un privilège, dès qu’on ne baisse pas les yeux devant ses menaces, dès qu’on ose affirmer haut les seules valeurs de la République.

Les Derniers jours de Samuel Paty est un réquisitoire terrible, froid, et juste. Un maître-livre sur notre société et une livre-étalon sur ce que doit être un travail journalistique. Stéphane Simon est irréprochable dans sa démonstration, mais lucide aussi. Le plus terrible, c’est ce qu’il nous signale à la fin : tous les acteurs dont l’impéritie ont conduit à la mort de Samuel Paty ont reçu depuis une promotion. Mourez, hussards, mourez !

Loïc Di Stefano

Stéphane Simon, Les Derniers jours de Samuel Paty, Plon, avril 2023, 223 pages, 20,90 euros

(1) Même question, même responsabilités, même abandon, à Arras… Mêmes discours, mêmes fleurs, mêmes pleurs…

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